Mardi
24 avril
Ça y est, nous sommes à bord de
Vaiata, un Robertson and Caine de 2005, catamaran de 47 pieds. D’emblée on est
scotché par ses généreuses dimensions. Pourtant moins haut et moins trapu que
ses collègues Lagoon, ce cata dispose d’un immense cockpit et d’un carré intérieur
royal. Celui-ci se compose de deux parties : à bâbord une large cuisine,
accolée à tribord à un superbe salon. Dans les flotteurs, quatre cabines
spacieuses, avec chacune salle d’eau et WC. La répartition sera vite
faite : une pour nous, une pour Jean et une pour le matos. Le bateau,
malgré sept ans de location dans la flotte Moorings, semble en très bon état.
Pour l’instant, tout s’annonce bien. Le premier contact avec Jean est bon. Il a
l’air sympa et plutôt conciliant. Enfin pour le moment, nous n’avons pas le
temps de faire connaissance. Nous sommes déjà en mer, et les premières
décisions sont à prendre. La première, et pas des moindres, concerne la
navigation. Passé notre enthousiasme de la découverte du bateau, c’est la
douche froide ! On apprend que Jean n’a pas récupéré les cartes GPS des
Bahamas ! De notre côté, nous avons acheté un guide de navigation, mais c’est
lui qui devait se charger des cartes. Et sans ces cartes détaillées, il est
impossible de naviguer dans les eaux peu profondes et encombrées de patates des
Bahamas. Aïe. Première prise de tête à peine monté à bord. Nous sommes un peu
déçus et, il faut l’avouer, un peu énervés. Ces cartes ne se trouvent pas
facilement dans le commerce, mais il suffisait de les commander sur internet. Jean,
lui, ne montre pas vraiment d’inquiétude. Pour lui, la situation est simple. Si
on ne peut pas passer par les Bahamas, on passera par Cuba. Sauf que l’on
s’était mis d’accord pour éviter Cuba. D’une part, ils exigent un certificat
d’import pour le chien que, du coup, nous n’avons pas demandé. D’autre part, la
route par Cuba est beaucoup plus longue. Pour rejoindre la Floride, il faudrait
naviguer une dizaine de jours, jour et nuit sans s’arrêter, ce qui est
techniquement impossible pour Nouky, et même pour nous. Et Jean ne dispose que
d’une semaine de vacances. Alors évidemment, on se demande comment il compte
résoudre cette énigme qui consiste à faire en sept jours un trajet qui en
demande dix !? Mais pour l’instant, que faire ? Dans tous les cas,
que nous passions ensuite par les Bahamas ou par Cuba, notre itinéraire
prévoit, dans un premier temps, une escale pipi en République Dominicaine, ce
qui nous laisse quelques centaines de milles de réflexion. Et peut-être qu’avec
un peu de chance, nous pourrons récupérer ces fameuses cartes auprès de
navigateurs au mouillage là-bas.
On ouvre le bal des nav de nuits. Jean
est claqué, et nous l’invitons à aller se coucher, pendant que nous nous
chargeons de prendre les quarts pour la nuit. On se relaie pour cette première
nocturne à bord de Vaiata. La météo est bonne. On est poussé par un vent de
trois quart arrière de 10 à 15 nœuds. Tout est calme et il n’y a pas un seul
bateau à l’horizon. Ainsi quand, tout à coup, je me fais éblouir par un coup de
projecteur sorti du néant, je fais un bond. Passée ma première surprise, je
ralentis l’allure. Nous sommes en train de longer la côte portoricaine, donc je
me doute que ce doit être les coast guards en patrouille. Mais comme nous
marchons avec voile et moteur, et qu’ils naviguent tous feux éteints, je n’ai
pu ni les entendre, ni les voir venir. Et leur arrivée dans la nuit fait un
étrange effet. Mais ils se contentent de rester à distance, projo à fond.
Quelques longues secondes s’écoulent avant que la lumière s’éteigne brutalement,
et que le bateau disparaisse dans le noir, aussi vite qu’il est venu.
Mercredi
25 avril
La nuit, entre les quarts, est courte.
Et dormir dans la cabine en navigation n’est pas évident. Je me réveille en
sursaut à plusieurs reprises lorsque le bateau tape sur une vague. A chaque
fois, j’ai la sensation que l’on a heurté quelque chose. Dans ma semi
conscience, j’assimile le bruit de la mer à celui d’un échouement sur un haut
fond. Il me faut quelques secondes pour me calmer, avant de m’assoupir à
nouveau.
Au petit matin, c’est Laeti qui tient
la barre, et je la rejoins avec un bol de céréales qu’elle avale volontiers.
L’objectif du jour est d’atteindre la presqu’île de Samana, en République
Dominicaine. C’est une halte courue des navigateurs en raison des mouillages
abrités qu’elle offre. Depuis que nous sommes partis, le vent joue au yoyo.
Comme nous avons un timing assez serré, dès qu’il faiblit trop on met les
moteurs. On maintient ainsi une moyenne honorable de 7 nœuds, qui devrait nous
faire parcourir les 220 milles de trajet en environ 31 heures. Dès le début de
matinée, nous apercevons la côte dominicaine. Nous allons la longer jusqu’à
Samana. D’abord complètement plate, elle offre ensuite un relief découpé et une
végétation luxuriante. Malheureusement, nous sommes rattrapés par les grains.
Et sous grain, malgré la présence d’un taud, il n’y a pas un coin du cockpit
qui soit à l’abri. Ainsi, le malheureux qui est de quart à ce moment-là n’a pas
d’autre choix que de s’emmitoufler dans un ciré et de se faire rincer. Mais
comme les grains n’arrêtent pas de s’enchaîner, il n’y aura pas de jaloux, et
nous irons tous nous faire doucher à tour de rôle.
A la fin de la journée, nous arrivons
en vue de Samana. Mais la presqu’île est immense, et forme une baie profonde
d’une cinquantaine de kilomètres. Comme nous ne disposons d’aucun guide de
navigation pour la Rép Dom, nous devons choisir un mouillage sur le GPS.
D’après les cartes, la partie Sud a l’air bien encombrée de cayes. On repère alors
un endroit du côté Ouest qui semble bien abrité et mettons le cap dessus. Mais
nous sommes encore loin d’être arrivés… La nuit est tombée, et en l’absence de
lune, nous sommes dans le noir complet. On doit donc faire toute l’approche au
GPS. D’après ce dernier, l’entrée de la baie est jonchée de récifs. Nous
abandonnons les quarts et restons tous sur le pont en mode vigilance. Et nous
ne sommes pas trop de trois pour repérer dans la nuit les balises d’entrée. On
ne quitte pas non plus des yeux le sondeur, prêt à changer de cap en urgence,
au cas où... Vers minuit, après cinq heures d’approche dans ces conditions
éprouvantes, nous avons enfin dépassé la zone de hauts fonds. Du coup, je
craque et vais me coucher, exténué. Laetitia reste avec Jean pour finir la nav
et jeter l’ancre. Heureusement, car vers deux heures du matin celui-ci s’endort
à la barre. Une heure plus tard, ils mouillent à l’entrée de l’abri dans le
noir le plus total. L’obscurité est si profonde que Laeti n’arrive même pas à
distinguer la berge, ou même la terre. Dans ces conditions, il est impossible
de partir dans la nuit en kayak, et Nouky devra donc encore patienter quelques
heures pour se soulager.
Jeudi
26 avril
Le lendemain, le réveil sonne de bonne
heure. Avant de reprendre le large, nous avons prévu de faire une halte dans
une marina pour choper internet et essayer de faire avancer le schmilblick. On
monte sur le pont à 6 h 30 et, surprise, on découvre un paysage tout à fait
inattendu. Alors que la presqu’île de Samana est réputée pour ces lagons
paradisiaques et son sable blanc, nous sommes entourés de mangroves. De la
mangrove à perte de vue, de l’eau boueuse et des ilots disséminés un peu
partout. Bien que complètement différent de ce à quoi nous nous attendions, le
paysage est superbe. Ses îlots de verdure rappellent très nettement la baie
d’Along, au Vietnam. Ils plongent à pic dans l’eau, et semblent ainsi suspendus
juste au-dessus de la surface. Par contre, ça aurait une très mauvaise idée de
débarquer en kayak de nuit, puisqu’il n’y a aucun endroit pour accoster. On
aperçoit seulement un petit bout de plage bordé de palétuviers qui devrait
faire l’affaire, pour ce que nous avons à y faire… On met le kayak à l’eau,
quand il commence à pleuvoir, encore… On enfile de superbes cirées jaunes et
nous voilà partis tous les trois dans le kayak. Celui-ci ne s’avère pas être un
modèle de stabilité et, étant donnée l’heure matinale et la couleur de l’eau,
nous n’avons vraiment aucune envie de chavirer. Nous tentons donc de calmer les
ardeurs de Nouky qui, tout à la joie de voir la terre, fait tanguer
dangereusement l’embarcation. Ce dernier, qui se retient pourtant depuis un
jour et deux nuits, a malgré tout décidé de prendre tout son temps, et de jouer
avec des insectes, pendant que ses maîtres, impatients, se trempent et se font
littéralement dévorés par les moustiques. On écourte la sortie, sachant qu’il y
aura une autre pause dans la journée, et on retourne au cata. Au moment de
soulever le kayak, j’ai comme un coup de mou. La fatigue de bon matin ?
Non, le kayak est troué, et plein d’eau ! Voilà ce qu’on appelle une
annexe sécurisante…
On lève l’ancre pour rejoindre Puerto
Bahia, de l’autre côté de la baie, à une dizaine de milles. Le vent se lève,
avec des pointes à 15 nœuds, ce qui nous permet de marcher à 7/8 nœuds. On
découvre que la mer est pleine de bois et de troncs qui semblent avoir été
charriés par les fortes pluies des derniers jours. On se demande comment l’on a
fait hier soir, de nuit, pour ne pas en taper plusieurs. Malgré la couleur de
l’eau, la baie est belle. Le littoral est sauvage et couvert de végétation.
Seuls quelques hôtels et villas se dissimulent derrière les cocotiers, mais
sans gâcher le charme de l’endroit.
On arrive à la marina en fin de matinée.
L’accès est étroit pour un 47 pieds et la manœuvre délicate. Plusieurs
personnes semblent déjà nous guetter depuis les quais. On comprend que ce sont
les douanes et services d’immigration qui sont apparemment très pressés de nous
présenter leur facture. On est à peine amarrés qu’ils bondissent sur le pont. Pour
le droit d’entrée et le permis de navigation on doit s’acquitter de 83 $. Mais
l’accueil reste cordial, et c’est avec le sourire qu’ils nous demandent le
« tip », le pourboire. Enfin, à choisir entre des arrivées avec un
chien de garde comme à Antigua, ou plus à l’africaine, comme ici, on n’hésite
pas une seconde… Passées les paperasses, chacun se destine vers sa
mission : Jean, toujours très cool, se contente de tranquillement
téléphoner à ses filles, pendant que nous essayons de trouver des cartes, moi
sur internet et Laeti sur les pontons. Elle tombe ainsi sur un américain très
sympa, parti en famille pour un an sur un lagoon 47. Contrairement à nous, ils
sont super équipés. Quand on lui explique notre situation, il nous sort
fièrement, comme le magicien exhibant le lapin de son chapeau, l’Ipad III. Il
nous avoue ne plus se servir que de ça, tant pour la précision que pour la
facilité d’utilisation. Il nous fait la démonstration à la manière d’un
commercial et, c’est vrai que l’outil est plus qu’attrayant, mais comment dire…
à moins que tu nous vendes le tien, on ne risque pas d’en trouver ici… Il nous
donne tout de même des scans de cartes papiers, mais pour les cartes GPS,
malgré toute sa bonne volonté, il ne peut rien faire puisque nos GPS ne sont
pas compatibles… Or des cartes sur ordi c’est bien, mais sans connaître sa
position, leur utilisation reste limitée. On perd quand même un temps
considérable pour trouver un logiciel capable de les ouvrir, au cas où. Malgré tous
nos efforts, les Bahamas et ses paysages de rêve s’éloignent doucement, mais sûrement.
On retrouve un Jean affairé à trouver sur internet un billet d’avion de la
Havane vers la France !? Il semble avoir réalisé qu’il était effectivement
difficile de faire marcher un catamaran à la vitesse d’un bateau à moteur, et
qu’il lui serait donc impossible de rejoindre les Etats-Unis dans les temps.
Mais pour lui, il n’y a toujours pas de problème, puisque nous pouvons aller
tous les trois jusqu’à Cuba, et que de là, nous n’aurions plus que six cents
milles nautiques à faire pour lui amener son bateau en Floride. Nous ne sommes
évidemment pas très chauds pour son plan, et lui proposons plutôt de prolonger
de quelques jours ses vacances. Et là, deuxième douche froide depuis que nous
avons embarqués, nous apprenons qu’il n’a pas de visa pour entrer aux Etats-Unis.
Forts de notre expérience avec René, nous lui expliquons que nous pouvons
peut-être résoudre le problème d’une manière ou d’une autre. Mais il nous
rétorque que, dans tous les cas, il ne peut absolument pas repousser la date de
son retour, non pas à cause de son boss, mais parce que son passeport expire
dans… trois jours !! Le trajet par
Cuba ne nous enchantait déjà guère à trois, mais il nous enchante encore moins
à deux. En effet, Cuba est sous embargo américain, et pour cette raison la
navigation y est très contrôlée. Il est impératif d’entrer sur le territoire
cubain par un port d’entrée international officiel. Une fois l’entrée faite,
les plaisanciers ne sont pas autorisés à mouiller où ils veulent, mais sont
obligés d’aller de port international en port international. Ces tapées
obligatoires sont à chaque fois de deux cents milles, soit environ 34 heures de
nav. Pour rejoindre la Floride depuis Cuba, il faut ensuite à nouveau réaliser
une tapée de deux cents milles, mais cette fois-ci à travers le Gulf Stream, ce
fameux courant qui remonte la côte nord-américaine, et qui peut rendre les
conditions de navigation très inconfortables, voir dangereuses. Nous apprenons
également, au passage, qu’il n’a pas non plus les cartes GPS de la Floride... Là,
on commence à ne plus trop savoir quoi faire… Jean n’est en soit pas quelqu’un
de désagréable, mais son inconscience nous stupéfait. Comment a-t-il pu se
lancer dans ce périple avec aussi peu de préparation ? Alors qu’au début
nous lui pardonnions ces cafouillages, comme de penser à partir sans annexe ou
de se tromper de San Juan, nous supportons maintenant plus difficilement son
manque d’organisation. Nous commençons même à être passablement énervés par ce
comportement. Parce que si, lui, compte tranquillement rentrer chez lui en
avion, son attitude nous met nous, dans une situation inextricable. D’un côté,
nous avions convenu que nous allions ensemble en Floride et n’avons maintenant
plus d’autre option pour nous y rendre. D’un autre côté, nous nous retrouvons
obligés de prendre un risque si nous voulons poursuivre notre périple. Et tout
ça parce qu’il n’a pas pris cinq minutes avant de partir pour commander des
cartes sur internet !!
Vendredi 27
avril : Lupèron
Alors que nous ne devions nous arrêter
que quelques heures à la marina, nous y passons finalement les trois quarts de
la journée à tourner et tergiverser. Nous prenons finalement la décision de
reprendre la mer afin d’avancer coûte que coûte. Et on verra bien jusqu’où cela
nous mènera. A ce stade, nous ne faisons plus de projets. C’est peut-être pour
se rassurer, mais l’on se dit qu’une solution va bien finir par émerger. Nous
nous fixons comme prochaine étape pipi la baie de Lupèron, à 120 milles à
l’ouest. Nous larguons les amarres alors que l’après-midi est déjà bien
avancée. On longe la côte Nord de la baie vers la sortie à environ 15 milles.
On approche alors de grosses îles qui se trouvent être en fait le fameux
« haut fond » évoqué hier soir par le GPS. Ouah, il va falloir revoir
la terminologie, car nous ne donnons pas, à priori, le même sens aux mots que
cet appareil électronique. A la sortie de la baie, il faut encore remonter,
cette fois face au vent, pour contourner un cap, avant de pouvoir abattre vers
Lupèron. Hors ce cap est encore à dix milles ! Le vent prend les tours et
dépasse les 20 nœuds, et la mer se creuse. Le bateau tape violement entre des
creux de plus en plus gros. Il doit y avoir un courant de dingue car on
n’avance pas. A peine quatre nœuds. On se fait secouer pendant deux bonnes
heures avant que je puisse enfin prendre de l’angle et de la vitesse. Dans
cette mer difficile, après déjà deux nuits de quart et le stress de la journée,
la fatigue se fait davantage sentir. De plus, le moral n’y est plus. Même Nouky
semble capter la mauvaise énergie qui se dégage. Alors que sur Shadococo, il
avait semblé être le plus heureux des chiens, sur Vaiata il affiche une humeur
morose et a même le mal de mer. Heureusement, une fois sorti, on peut abattre
et naviguer avec une mer de trois quarts arrière. Nous avançons à une belle
allure, aux alentours des huit nœuds, avec des pointes à dix dans les surfs. La
navigation change du tout au tout. Au lieu de se heurter brutalement aux
éléments, le bateau glisse magnifiquement, et joue avec la houle pour accélérer
de manière douce et fluide. On respire un peu…
Mais nous n’avons plus suffisamment
confiance en Jean pour le laisser de quart et aller nous coucher. Ce dernier
s’est endormi à la barre la veille, et l’inconscience qu’il montre pour la navigation
nous fait maintenant peur. Nous préférons allonger nos propres quarts plutôt
que d’aller le réveiller. Je me fais toute la première partie de nuit jusqu’à
deux heures du matin et Laeti me relaie ensuite jusqu’au lever du soleil à sept
heures. Mais nous sommes conscients que dans ces conditions nous allons tomber
de fatigue avant même d’avoir atteint Cuba.
Le vent tombe en seconde partie de nuit. On
recommence alors, comme la veille, à mettre le moteur par intermittence quand
la vitesse devient vraiment trop basse. Puis la journée passe, doucement, comme
les grains qui la ponctuent. Nous optimisons chaque moment que le bateau nous
laisse de libre pour aller nous coucher dans la cabine, et tenter ainsi de
récupérer quelques heures de sommeil. On arrive à Lupèron en fin d’après-midi.
C’est un mouillage très abrité, mais à l’approche délicate. Aussi quand le
sondeur nous lâche à dix minutes de l’arrivée, on pâlit. Heureusement, il raccroche
avant d’aborder la passe, au moment où on allait faire demi-tour. L’entrée de
la baie se fait entre deux hauts fonds, et n’est marquée que par une seule
bouée. On s’est fait « avoir » par le GPS qui indiquait un beau
chenal encadré par des bouées vertes et rouges, et on paie encore une fois
l’absence de guide de navigation… L’abri de Lupèron est un « trou à
cyclone », c’est-à-dire une baie très refermée dans la mangrove, mais dont
les fonds boueux sont faibles. Le sondeur s’affole un peu après la bouée blanche,
et remonte même à 1 m 50, alors que nous avons 1 m 40 de tirant d’eau… L’eau
est marron et il est impossible de naviguer à vue. On avance à l’aveuglette, ou
plutôt au sondeur. On découvre après une petite pointe la baie profonde où sont
mouillés de nombreux bateaux. Pour la plupart d’entre eux, le temps semble
s’être arrêté. Certains ont l’air d’être au mouillage depuis des lustres,
d’autres sont carrément à moitié coulés, certainement les vestiges du dernier
cyclone. On slalome entre les bateaux, toujours rivés sur le sondeur. Mais le
capitaine va un peu trop vite aussi, quand je lui indique des branches
suspectes sur bâbord, il n’a pas le temps de s’écarter, et nous nous tanquons
en plein milieu de la baie ! Moteur arrière toute, rien à faire, on est calé
dans la boue. Le capitaine se prend alors un coup de panique. Il se déshabille,
sort un masque et s’apprête à plonger. On le raisonne en lui disant que l’eau
est marron, qu’on n’y voit pas à deux centimètres et qu’il ne sert strictement
à rien de plonger. Mais il est agité, indécis, un peu perdu. Laetitia, très
calme, le rassure alors en lui disant simplement que vu le sol il n’y a aucun
risque pour le bateau et que la meilleur solution est encore d’attendre la
marée haute. Etant arrivé à la même conclusion, je suis déjà en train de
chercher les horaires de marée lorsque Laetitia arrive enfin à raisonner Jean.
Verdict, nous sommes en fin de descendante, il faudra attendre minuit pour se
dégager…
Nouky, qui n’a absolument rien à faire
de nos problèmes divers, attend sagement à côté du canoë pour nous faire
comprendre qu’il attend sa ballade. Nous tentons tant bien que mal de réparer la
voie d’eau et mettons l’embarcation à l’eau. Une fois de plus au moment de
monter dedans, il se met à pleuvoir. Nous réenfilons nos tenues de cosmonautes
en ciré jaune, et sans trop savoir si le kayak allait nous porter jusque-là,
nous prenons la direction du rivage.
Une fois à terre, enfin seuls, et après
de longues tergiversations, nous arrivons à la conclusion qu’il est impossible
de prendre en main le bateau pour aller jusqu’en Floride. Nous ne pouvons pas
imposer à un chien de faire pipi toutes les deux jours sans risquer l’infection
urinaire. Il est également impossible de se faire une aussi longue route à
deux, avec les quarts interminables qu’elle nécessite. Et bien sûr, il est
inenvisageable de se pointer au large de la Floride sans GPS. Le passage entre
Cuba et les Etats-Unis est délicat. Il est bordé de « banks », ces
plateaux sous-marins de faible profondeur. A certains endroits, la navigation
se fait entre deux banks, dans un passage large de dix milles, créant ainsi un
couloir étroit dans lequel s’engouffrent tous les cargos et plaisanciers de la
zone. Et c’est sans compter avec le Gulf Stream qui déporte les embarcations de
plusieurs milles. Même le marin le plus aguerri ne s’y risquerait pas sans GPS.
Devant toutes ces constations, nous prenons la décision de défendre avant tout
notre intérêt. Nous décidons d’aller à Cuba avec Jean, mais une fois là-bas,
nous débarquerons pour rejoindre les Etats-Unis d’une autre manière. A lui de
se débrouiller avec son bateau.
Cette solution, qui nous paraît être
la seule qui s’offre à nous, n’est toutefois pas hyper satisfaisante. La
distance qui nous sépare de Cuba est encore importante et il n’y a plus aucune
possibilité de faire une escale entre. Le seul pays qui se trouve entre Cuba et
la République Dominicaine est Haïti où, pour de multiples raisons, nous ne
voulons pas nous arrêter. Du coup, pour rester dans les capacités de la vessie
de Nouky, nous devons réduire la distance au maximum, et ainsi envisager
d’accoster à Cuba au premier port de la côte Est. Malheureusement, celui-ci
n’est pas un port international, et nous ne sommes donc, à priori, pas
autorisés à y entrer. Mais aller plus loin lui ferait vraiment prendre un
risque et il faut donc croiser les doigts pour que tout se passe bien. Nous
rentrons au bateau sur cette décision. Il faut encore attendre quelques heures
pour sortir Vaiata de sa vase et pouvoir enfin aller se coucher.
Samedi 28
avril : Ocean World, la délivrance
Le lendemain, nous sommes donc décidés
à prendre la mer pour Cuba. Je pars avec le kayak pour sortir encore une fois
le chien avant cette nouvelle traversée. Mais lorsque je reviens, j’ai la
mauvaise surprise de trouver Laeti et Jean en train de s’engueuler. Pendant mon
absence, celle-ci a voulu vérifier les conditions d’entrée des personnes à Cuba,
et a ainsi découvert qu’il fallait absolument être en possession d’une carte de
tourisme, en gros un visa, que l’on doit obtenir AVANT d’arriver sur le sol
cubain. De plus, elle est également tombée sur des récits de voyageurs qui racontent
qu’ils n’ont même pas pu mettre leur annexe à l’eau pendant une semaine pour
s’être pointés sans les papiers nécessaires. Elle s’est donc mise en tête
d’expliquer à Jean qu’il semblait stupide de se présenter, dans un pays
tatillon au niveau administratif comme Cuba, sans visa, sans permis d’import
pour le chien, dans un port qui n’est pas un port d’entrée, et avec un
passeport sur le point de se périmer. Qu’autant de mépris pour la législation
d’un pays risquait, au mieux, de ne pas nous attirer les bonnes grâces des
douaniers, au pire, de se finir plus mal. Et qu’au cas où les douaniers s’en
tiendraient à nous faire poiroter plusieurs jours sur le bateau sans mettre
pied à terre, nous pourrions survivre, mais pas le chien. De plus, si on se
faisait refouler de Cuba, on ne pourrait pas aller ailleurs, n’ayant pas les
cartes des régions avoisinantes… Mais comme Jean s’entête à dire que ça
« devrait » aller, qu’il suffira de discuter avec les douaniers, et
qu’il campe sur ses positions, Laeti a évidemment beaucoup de mal à garder son
calme. Incapable de reconnaître ses torts, il nous a déjà mis dans la galère
par la nonchalance avec laquelle il aborde la mer, et est prêt à nous enfoncer
encore plus. Il a le mot de trop quand il explique à Laeti que, sur ce bateau,
c’est lui le capitaine, puis qu’après lui, il y a moi, et qu’à la fin de la
chaîne décisionnaire il y a elle. Cet excès d’autorité rompt évidemment le
dialogue.
J’aborde le bateau à ce moment critique
de la « conversation » et mon arrivée modère temporairement les deux
protagonistes. Après un rapide briefing de Laetitia, on essaie de se calmer et
de se poser pour évaluer le plus objectivement possible la situation, et ainsi prendre
la décision qui convient. On pèse donc les deux options qui s’offrent à
nous ; débarquer ici ou continuer vers Cuba. La première option nous
inquiète un peu car la Rép Dom n’a pas une très bonne réputation niveau
sécurité, et avec notre barda nous ne sommes ni très mobiles, ni très discrets.
En plus, pour débarquer, il faudrait trouver un quai digne de ce nom, savoir où
aller ensuite, trouver voiture et logement, puis un vol vers la Floride car il
n’y aura plus aucune possibilité de rejoindre les US par voie maritime. Cela
implique de trouver une cage conforme pour le chien, et d’arriver à embarquer
tout notre bazar, qui s’est en plus étoffé de deux matos de kite. Cette option
présente donc pas mal d’incertitudes, et de plus engendrerait un surcoût conséquent
au voyage. Un surcoût que nous ne pouvons pas du tout évaluer avant d’avoir
débarqué, bien sûr.
De l’autre côté, nous avons
l’incertitude de pouvoir rentrer à Cuba, la forte probabilité de faire courir
un risque à Nouky, de très longues tapées successives et peu sécurisantes, une
approche de Floride soit impossible, soit dangereuse. Même si l’on décidait de
débarquer à Cuba, nous ne serions pas sûrs d’arriver à rallier les US puisqu’à
cause de l’embargo il n’y a pas de liaison aérienne ou maritime, et il faudrait
refaire du bateau stop. Nous sommes donc devant deux possibilités, mais aucune
ne nous emballe. S’ajoute à cela un côté émotionnel. Cela fait maintenant cinq
jours que nous sommes partis, nous n’avons fait que naviguer, et pas toujours dans
des conditions très faciles, on a très peu dormi et on s’est pris la tête tous
les jours pour essayer de trouver une solution qui n‘existe pas. On est donc
épuisé physiquement, mais aussi nerveusement. On n’en peut plus de retourner
cette situation dans tous les sens, sans succès. Même si nous savons qu’un
voyage comme le nôtre comporte forcément des moments un peu galère, là nous
sommes au-delà des complications normales puisqu’il s’agit de notre sécurité.
C’est pour cette raison que nous sommes vraiment dans un état de stress
important. On en parle tous les deux et on exprime enfin tout haut ce que l’on
avait refoulé depuis plusieurs jours. Car sentant qu’on ne trouvait pas de
solution, on se disait « on n’a plus le choix, il faut avancer ».
Mais à l’intérieur, aucun de nous deux ne le sent. On a tous les deux, sans s’être
concerté, une sensation négative, un mauvais feeling. Face à ça, Laetitia me
dit « Là, je ne sais plus. Notre sécurité est en jeu, alors si tu ne le sens
pas, sache que je te suivrai et que je suis prête à prendre l’avion ». Je
la prends dans mes bras, ne pouvant plus retenir mes émotions et, au bord des
larmes, lui avoue que non, je ne le sens vraiment pas, que même si ça doit nous
coûter beaucoup d’argent, ce n’est pas grave, le plus important, c’est nous. Nous
retournons voir Jean et lui demandons d’une seule voix de nous débarquer au
port le plus proche.
Il accepte de rebrousser chemin pour
une quinzaine de milles et de nous débarquer à une vraie marina : Ocean
World. Il nous déclare qu’il a décidé de continuer seul vers Cuba, en ligne
directe, pour laisser son bateau à la Havane et prendre son avion. Cette
déclaration nous conforte dans notre choix, car ça nous parait tout simplement
ahurissant. Il a son avion dans 72 heures et a plus de 700 milles à
faire ! Pour y arriver, il faudrait qu’il navigue 24 heures sur 24, sans
dormir pendant trois jours puisqu’il est désormais seul, à une moyenne de 11
nœuds, soit presque le double de la vitesse habituelle. Et s’il y arrivait
malgré tout, il n’aurait alors que quelques heures pour convaincre les
douaniers de l’accepter sans papiers, de préparer son bateau pour un amarrage
de plusieurs mois et de rejoindre l’aéroport pour prendre son vol. C’est de la
folie ! Alors qu’il aurait pu tout simplement laisser son bateau en Rép
Dom et prendre un avion tant que son passeport était encore valide, il préfère
se lancer dans ce périple. Quand on évoque avec lui le problème du timing, il
nous répond qu’il naviguera à la voile en s’aidant du moteur tout du long… Bon,
ok, je crois que c’est clair, on ne vit pas sur la même planète et il vaut mieux
se séparer au plus vite !
En arrivant au port, la tension
accumulée depuis plusieurs jours diminue, et même si nous ne savons pas encore
comment nous allons gérer l’après débarquement, nous ressentons un certain
soulagement à quitter le bateau. Une fois amarrés, la magie opère et la chance
semble désormais de notre côté. Le personnel de la marina et les douanes sont
adorables. Sans rentrer dans les détails, nous leur expliquons que nous sommes
obligés de débarquer. Toute la marina se met alors en quatre pour nous. Ils
nous aident à décharger nos affaires, les gardent, nous mettent internet à
disposition dans leur bureau, nous appellent une voiture de loc, nous aident à
la charger et nous répètent cent fois de ne pas hésiter à les appeler si nous
avons le moindre problème par la suite… Bref, grâce à eux, l’arrivée en Rép Dom
que nous redoutions un peu se passe super bien. Et les bonnes nouvelles
continuent ; nous ne sommes qu’à 45 minutes de voiture de Cabarete, le célèbre
spot de planche et de kite, où l’on est sûr de trouver un logement, et il y a
un aéroport international à proximité ! On est complètement soulagé et on
respire enfin, bien heureux d’avoir pris la décision d’arrêter la navigation.
Comme pour toutes les autres fois où
nous avons loué une voiture, nous avons demandé la moins chère, sans trop
savoir à quoi nous attendre. Mais lorsqu’on
voit arriver celle-ci, on a vraiment envie de rigoler. Elle est absolument
nickelle, mais c’est la plus petite voiture du monde ! On ne voit pas
comment on va pouvoir y caser toutes nos affaires… Mais on ne se dégonfle pas.
Pour les anciens adeptes de Tétris que nous sommes, ça devrait être possible. On
commence donc par poser le board bag sur le toit. Celui-ci dépasse franchement
à l’avant et à l’arrière, mais rien qui n’empêche de rouler. Ensuite, on commence
à entasser tout le reste à l’intérieur et il faut s’y reprendre à plusieurs
fois avant de pouvoir claquer les portières. Nouky doit squatter les genoux de
Laeti et je dois me tordre le coup pour voir la route à cause du bag, mais ça
va le faire. Reste juste à passer l’épreuve du loueur que l’on doit retourner
voir pour signer des papiers qu’il avait oublié. En se garant devant lui, on
appréhende un peu sa réaction quand il va voir sa jolie minuscule voiture
chargée comme un âne. Mais, contre toute attente, il ne bronche pas. Il n’a pas
non plus de réaction quand il aperçoit Nouky, cet enfoiré, profiter de
l’absence de ses maîtres pour bondir sur les sièges tout neufs et faire
n’importe quoi. Au contraire, il nous explique gentiment la route de Cabarete.
Décidément, les dominicains ont l’air vraiment super sympas…
Ça y est, on est enfin prêt à quitter
la marina, mais c’est déjà la fin de journée et la nuit approche. On voudrait
arriver de jour pour repérer un hôtel et pour ne pas se retrouver à déambuler
dans les rues de nuit avec tout notre barda. Aussi, à peine arrivé à Cabarete, on
se gare sur le premier parking venu, et on se sépare pour aller trouver le
meilleur hôtel le plus rapidement possible. On ne cherche pas longtemps car on
tombe tout de suite sur celui de nos rêves : l’hôtel Kite Beach. Sans le
savoir, on s’est arrêté sur la partie « kite » du spot, mais on s’en
fiche. L’hôtel donne directement sur la plage, il y a une piscine, et on peut
louer un petit appart tout confort pour 300 $ la semaine, ménage tous les jours
inclus ! On n’hésite pas une seconde. La nuit est tombée, on est crevé, et
avec tout ce que l’on vient de passer, l’endroit nous apparaît comme le paradis
sur terre. On décharge notre bazar et on se jette sur le lit, le sourire d’une
oreille à l’autre : enfin les vacances ! Après une interminable
douche royale, on se rend à l’évidence, pourquoi repartir tout de suite ?
Restons une bonne semaine pour se remettre de la navigation et du stress et
faire un peu de planche et de kite !
Dimanche
29 avril : Cabarete
Quelle nuit délicieuse, sans réveil
brutal au milieu pour aller faire son quart, sans mal au cœur, sans… stress. Ce
matin, le vent est déjà levé, comme une invitation. Le temps de déjeuner et il
forcit à 25 nœuds. Même si l’on n’a pas encore vraiment récupéré, et que l’on
aurait bien squatté les transats toute la journée, la vue des quelques
planchistes en train de rider nous donne envie de nous jeter à l’eau. On sort
nos 3.7 et 4.7 qui n’ont pas servi depuis la maison (!) et on découvre la
baie de Cabarete et son reef. Ici pas de problème de corail ou d’oursin, le
reef est profond et on peut charger sans souci. Les vagues sont sympas, sans
plus, en plusieurs sections pas très clean. Mais ça nous convient très bien
pour une journée, et on profite d’être enfin au planning sur nos
planches !
Les journées s’enchaînent facilement,
avec repos le matin et planche ou kite l’après-midi. Le spot est assez
cloisonné. Pour la planche, il faut remonter au vent pendant un moment pour
atteindre la zone « windsurf ». Et les kiteux de l’hôtel, qui n’ont
pas l’habitude de voir des planchistes, hallucinent un peu quand ils nous voient
sortir tout notre bazar. Mais malgré certains préjugés que nous aurions pu
avoir, à Cabarete les gens sont vraiment sympas. Personne ne nous fait sentir
que nous sommes des intrus avec nos wishbones. Au contraire, ils se montrent
curieux, viennent étudier nos boards et surtout n’hésitent pas à nous donner
des conseils quand ils nous voient sortir nos ailes de kite. Nous sympathisons
surtout avec Danilo et sa femme, siciliens d’origine, qui gèrent l’hôtel pour
la saison et qui se plient en quatre pour nous satisfaire, et avec Tommy et Johanna,
un couple de polonais arrivé un jour ici et qui a du mal à en repartir. On se dit
qu’on a vraiment été stupides de rester à Porto Rico pour attendre l’autre fêlé,
alors qu’on aurait pu passer deux à trois délicieuses semaines ici à kiter tous
les jours… Enfin, on ne refait pas l’histoire, surtout pas celle-ci… On trouve
même facilement une cage pour le chien et un second board bag, obligatoire pour
transporter notre surplus de matos qu’American Airlines « devrait »
nous charger moyennant 175 $ par bag.
La République Dominicaine est pour
nous une destination inattendue. On ne pensait pas s’y arrêter, à tort, car
c’est une île déroutante. Tout d’abord, elle est immense par rapport aux îles
des Antilles que nous avons visitées, et même par rapport à sa voisine Porto
Rico. Elle est ensuite très diversifiée avec ses sommets à 3 400 mètres d’altitude,
ses forêts, sa végétation exubérante, ses plages de sable fin, ses lagons, ses
mangroves. Déboussolante enfin, d’un point de vue culturel. On y parle espagnol
et la culture est bien latine, mais par de nombreux aspects, elle nous rappelle
l’Afrique. Notamment les routes qui sont un véritable danger. Ici, finis les
énormes 4x4 rutilants. Il y a des motos dans tous les coins, chargées comme des
mules avec souvent trois ou quatre passagers. Alors qu’à Porto Rico tout le
monde respectait le code de la route et se laissait passer poliment, ici les
voitures doublent n’importe comment, plus personne ne respecte les files et les
conducteurs klaxonnent à tout va. Les transports en commun se font en
moto-taxis ou en gwa-gwa, des vans où on s’entasse comme on peut tant qu’il y a
de la place et qui ne coûtent rien. Et comme en Afrique, tout se passe dans la
rue, on y travaille, on y mange, on y boit, on s’y rencontre, on y dort… Et
bien sûr, tout s’arrange et tout se négocie… Bref, une île des Antilles à part
dans notre périple.
Quoi qu’il en soit, on profite de
notre séjour improvisé. Pour la première fois, nous faisons des vacances
normales, comme des touristes lambda, et ça fait du bien. Pour limiter les
frais on a rendu la voiture de loc, le confort de l’hôtel nous suffit. Du coup,
après deux jours de planche et trois jours de kite, les billets ne sont
toujours pas pris. « Ben, on se pose un peu… pour se remettre… on verra
quand il n’y aura plus de vent… ». Mais quand le vent tombe, on squatte
les transats et la piscine, et en fin de semaine, les billets ne sont toujours
pas bookés. « Ben après la planche, il faut se reposer un jour ou
deux… ».
On va à Cabarete en gwa-gwa pour se
balader et faire mettre une poignée au board bag de Ju, qui a encore pris du
poids et devient difficile à transporter. L’ambiance est vraiment sympa, avec
des bouis-bouis à tous les coins de rue. On s’arrête goûter les deux plats
principaux dominicains, le « pica pollo », du poulet frit avec au
choix patates ou bananes frites, et le « pollo a la brenda », du
poulet et du riz accompagnés d’une sauce à base de haricots. Ce sont des plats
simples, mais ils sont la base de l’alimentation des locaux. En discutant avec
le réparateur de voile, celui-ci nous avoue qu’un dominicain ne peut de toute
manière se passer de riz une journée « Si je ne mange pas de riz à midi,
il faut que j’en mange le soir, sinon ça ne va pas ». Mais la Rép Dom est
surtout le paradis des fruits tropicaux. Ici, ils sont donnés et du coup, tous
nos repas se terminent par des orgies d’ananas, de coco, de mangues et de
fruits de la passion.
Dans la rue, les gens sont accueillants.
Même si au début la plupart affiche une mine plutôt peu engageante, si l’on a
besoin d’un renseignement, ils deviennent alors tout sourire et engagent la
conversation. En revanche, tous les hôtels et gros commerces ont un garde armé
d’un fusil. Quand on leur demande pourquoi ils sont armés, ils nous répondent
que c’est par précaution, et il est très difficile d’en savoir plus.
« Mais, c’est dangereux ? – Non, c’est tranquille ici, il n’y a pas
de problème ! – Oui, mais s’il n’y avait pas de problème tu n’aurais pas
besoin d’armes ! – Non, mais c’est juste par précaution, si des individus
mal intentionnés te voient avec une arme, du coup ils te prennent au sérieux et
ne tentent rien… ». Donc en gros, c’est tranquille mais il faut faire
attention, et les locaux, eux, préfèrent être armés. Lorsque nous étions encore
en galère avec l’autre furieux, dans notre dernier mouillage à Lupèron, un
dominicain nous avait gentiment proposé de nous emmener en ville avec sa
voiture pour que nous trouvions un cyber. Mais Laeti m’avait discrètement fait
comprendre qu’elle ne voulait pas monter dans sa voiture. En effet, son fils,
qui semblait avoir à peine seize ans et qui attendait au volant, avait un
revolver dans la ceinture… En tout cas, de notre côté, et en dépit de tout ce
que l’on entend sur la Rép Dom, nous n’avons eu aucun problème de sécurité.
Mais on a malgré tout évité de sortir seuls la nuit.
Vendredi
4 mai : Kite Beach again
Le vent est tombé et il ne devrait pas
revenir de sitôt. On se décide donc à prendre notre billet pour Miami lundi.
Deux heures trente de vol. C’est déjà trop pour Laetitia, mais elle aborde le
trajet de manière plus sereine que je ne l’aurai imaginé. Tant mieux et je suis
fière d’elle. Elle n’a pas regretté une seconde notre décision et assume
complètement notre choix même si, elle me l’avoue, elle aimerait déjà être
lundi soir, les pieds sur la terre ferme.
Aujourd’hui le temps change et les nuages
envahissent le ciel jusqu’à ce que la pluie tombe en déversant, en quelques
heures à peine, des milliers de litres d’eau. Les rues de Cabarete se
remplissent et l’eau monte à vue d’œil. C’est assez impressionnant. Tout le
monde se barricade et attend que ça passe. En Rép Dom, le temps est super de
décembre à avril, puis de juin à mi-août, avec du vent quasi tous les jours.
Seul mai constitue un « trou » dans cette longue période de beau
temps. Mais si les pluies sont habituelles en cette saison, cette année est quand
même exceptionnelle puisqu’il y a eu jusqu’à un mètre cinquante d’eau dans les
rues de Sosua avant notre arrivée.
Le samedi revient au beau pour une
journée farniente bien méritée… On se remet alors dans l’optique US et, en
étalant la carte de l’ouest américain sur le lit, on recommence à rêver et à se
dire qu’on repart pour une belle et excitante aventure. On regarde aussi les
logements sur Miami et les camions que l’on pourrait dégotter. Ni l’un ni
l’autre ne s’avère évident. Dans un cas comme dans l’autre, tout est cher. La
plupart des hébergements n’acceptent pas les chiens, ou ont un accès trop
difficile pour notre tonne de bagages. Le seul que l’on dégotte pour le moment
veut absolument qu’on lui règle la totalité du séjour via western union, ce qui
nous rebute au vue de la com retenue au passage. Pour les rv, car il faut dire
recreational vehicule aux US et non pas camping car, ça n’est pas mieux. Dans
les dépôts-ventes, ils sont hors de prix, et après avoir épluché la
« craigslist », l’équivalent de notre « le bon coin », on a
bien repéré deux ou trois camions, mais impossible de joindre leurs
propriétaires. Ils ne répondent ni aux mails, ni au téléphone… On aurait aimé
prendre des rendez-vous pour aller les voir dès notre arrivée à Miami pour ne
pas perdre de temps… On verra.
Lundi
7 mai : In the sky
Ça y est, le jour J est arrivé, ou
plutôt le jour F, le flight ! Les boards bag sont prêts. Partis avec un
double bag rempli à fond, on se retrouve avec son jumeau, lui aussi full. Pour
Nouky, on a une cage énorme qui pourrait abriter un Saint Bernard, vu qu’on n’a
pas trouvé plus petit. A cela, s’ajoutent toujours nos sacs de voyage de 120
litres chacun et nos deux sacs à dos. Danilo et Tommy hallucinent totalement
devant notre chargement et nous disent : « Il faut vraiment arrêter
la planche en voyage ! ».
Avant de partir, je fais un dernier
essai avec Skype et j’ai enfin de la chance. On trouve un appart à Miami beach,
à priori sympa surtout pas trop cher pour Miami. Le taxi man arrive à midi
pétante et a un moment de doute devant tout notre barda. On attache les bag
l’un sur l’autre sur le toit devant le regard ahuri des kiteux de l’hôtel qui
n’ont jamais vu pareil chargement sur une voiture. On roule tranquillement vers
l’aéroport avec Luis Emilio, notre chauffeur, natif de Sosua. Lui aussi a une mine
plutôt austère comme ça, mais si tôt installés dans la voiture, il entame la
conversation et ne s’arrêtera plus jusqu’à l’arrivée. Il nous dit qu’il
aimerait apprendre le français, mais qu’il n’a pas assez de temps pour ça. Même
s’il ne comprend rien à notre langue, il regarde la télé française tout le
temps, au désespoir de se femme.
Arrivés à l’aéroport, on n’a pas le
temps de souffler. Dès notre arrivée, on se lance dans l’enregistrement des
bagages et du chien, ce qui prend un temps fou puisqu’il faut à chaque fois
faire venir le « supervisor ». Bilan, il nous charge de 175 $ par
bag. Le chien en prend lui pour 200. Ça nous fait une belle somme pour un vol
de deux heures, enfin… Nouky est super stressé dans sa cage, mais sa maitresse,
pourtant libre, l’est tout autant. Inquiète pour son chien, elle en oublie du
coup un peu qu’elle va devoir elle aussi monter dans l’avion. Tant mieux.
On s’installe dans nos sièges. Laeti
est bien sûr tendue, mais elle gère. Elle me fait remarquer que la plupart des
passagers semblent anxieux et shootés. Elle a raison. On n’a même pas décollé
que bon nombre somnolent. Les petites pilules ont fait effet. Quelques instants
plus tard, nous quittons la terre ferme. En montant dans le ciel, on aperçoit
la côte dominicaine et on repère Ocean World et Lupèron. On prend de
l’altitude. Très vite, on aperçoit ce qui aurait dû être notre terrain de
jeu : les Turks and Caïcos, suivies des innombrables îles des Bahamas. Du
ciel, on se rend compte que le mythe n’est pas usurpé : c’est magnifique.
On voit très nettement les banks, les étendues turquoises et les plages
interminables. Ce sera pour une prochaine… Laetitia, malgré l’anxiété, se
tortille sur son siège et étire le cou pour profiter du panorama. Elle gère
plutôt bien finalement. Les deux heures passent très vite, en tout cas de mon
point de vue… La Floride se découvre déjà et nous dévoile les Keys. On survole
la côte en remontant vers Miami. Un constat nous saute aux yeux : impensable de
naviguer sans GPS dans cette zone. Il y a des ilots, des banks, des hauts
fonds, et tout ça bien loin des côtes !
Miami se dessine sous nos ailes et
nous amorçons la descente. Les passagers se tendent de manière perceptible et
certains retiennent leur souffle. Les roues touchent le sol, l’appareil
rebondit légèrement avant de rouler sur l’asphalte. Le commandant tire à fond
sur les freins pendant que le reste de l’avion se détend. Je regarde Laetitia,
également soulagé. Même s’il roule encore, cette fois-ci c’est sûr, il ne peut
plus rien nous arriver. Notre premier vol s’est déroulé sans accroc, malgré les
nombreux et tristes songes de la miss. Et ça y est, après toutes les péripéties
de ces derniers temps, nous sommes quand même arrivés aux states. On roule sur
le tarmac de l’aéroport international de Miami. Il est immense. L’avion se
dirige vers le terminal d’American Airlines où une quinzaine d’appareils sont
en standby. A peine arrêtés, la porte s’ouvre et nous nous extirpons de la
carcasse de métal. Là commence un safari dans les dédalles de l’aéroport. On
parcourt des couloirs immenses et déserts, on prend une sorte de tramway
aérien, puis à nouveau d’interminables couloirs pour rejoindre les offices
d’immigration. On déboule enfin dans une immense salle bondée. On comprend
alors que tous les passagers de tous les terminaux de toutes les compagnies
sont drainés vers cet endroit : la véritable entrée des Etats-Unis.
Les guichets sont nombreux et les
files d’attente interminables. On trépigne un peu car pendant tout ce temps
notre pauvre Nouky est toujours dans sa cage, on ne sait où dans l’aéroport. On
repère une file d’attente plus courte que les autres, alors on se précipite
dessus. Tous les officiers américains affichent une moue distante et
imperturbable. Quand vient notre tour, l’officier nous afflige, comme tous les
autres touristes, d’un « next » cinglant et glacial. On répond au
« next » en avançant devant le guichet. Nos papiers sont à peine
posés sur le comptoir qu’il nous demande une adresse aux US. Nous lui
expliquons que nous avons loué un appartement, mais que nous ne connaissons pas
l’adresse. Nous avons convenu avec le propriétaire que nous l’appellerions à la
sortie de l’aéroport pour le retrouver, et qu’il nous donnerait l’adresse
exacte à ce moment-là. Mauvaise réponse, nous sommes refoulés. Il nous dit,
non, nous ordonne : « Alors appelez cette personne maintenant et
donnez-moi une adresse si vous voulez sortir de l’aéroport ». A sa mine,
nous comprenons qu’il ne sert à rien de négocier. Il a déjà le regard tourné
vers le passager suivant. Nous faisons donc demi-tour et partons en courant
vers le comptoir d’American Airlines, dont l’hôtesse accepte de téléphoner à
notre futur logeur, puisque nous n’avons pas encore de téléphone. On a enfin
une adresse et on retourne au pas de course dans la file, bons pour refaire la
queue encore une fois. Satisfait d’avoir une adresse, il daigne enfin s’occuper
de nos papiers. Mais une chose le dérange : notre visa B1/B2, pour les
longs séjours, obtenu si durement en France. « Pourquoi avez-vous un
visa ? Quand comptez-vous repartir ? Et où sont vos billets de
retour ? - Euh… On n’en a pas… - Sans billet de retour impossible de
rentrer aux Etats Unis ! – Mais c’est que notre cas est un peu
particulier… ». Et nous voilà lancés dans nos explications. Quand on lui
déballe toute l’affaire, le douanier prend peu à peu conscience que nous sommes
tarrés, et nous le fait savoir dans un « Shit, you are
crazy ! ». Mais nous sortons la phrase magique, enfin magique ce
coup-ci : « Mais de toute façon, nous sommes enseignants et nous
devons être rentrés en France pour la rentrée scolaire ». Notre profession
fait alors office de sésame. Il lâche du lest et accorde son précieux coup de
tampon. Les portes des Etats-Unis nous sont enfin ouvertes !
On court chercher nos bagages. A peine
arrivés devant le tapis qu’on les voit passer. On se rue parmi les passagers
pour les attraper au vol. A peine le temps de les récupérer que Nouky et les
bags déboulent comme par magie, comme crachés par deux grandes portes au fond
de la salle. Le problème, c’est qu’ils sont chacun à une extrémité. On fonce
d’abord voir Nouky pour le rassurer, puis on tente d’aller chercher les bags
pour essayer de réunir tout ce bazar au même endroit. Mais notre petit
compagnon ne l’entend pas de cette oreille. Il se met à hurler dans sa cage
pour bien nous faire comprendre qu’il est hors de question qu’on l’abandonne
une nouvelle fois. Ces hurlements nous valent d’être observés par tous les
autres passagers, comme si nous n’étions pas déjà assez voyants comme ça. Nous
ne pouvons pas le libérer car nous avions scellé la cage avec des clips en
plastique pour que la porte ne s’ouvre pas pendant le vol. Mais malgré mes
mises en garde, Laetitia n’en peut plus d’entendre ses cris et sort son canif
pour libérer la porte et le chien. Heureusement, elle fait ça discrètement,
sinon nous serions encore dans les cachots du Miami Airport.
Dans l’immense file d’attente de la
douane, on ne passe, encore une fois, pas inaperçu. Laetitia pousse deux
caddies, un pour Nouky, que l’on nous a ordonné de remettre dans la cage, et
les sacs à dos, l’autre pour les sacs de voyage. Derrière elle, je tire tant
bien que mal les boards bags à tour de rôle. Autant dire que le douanier se
régale depuis un moment à nous regarder, et quand nous passons devant lui, il
nous invite à sortir de la file et à suivre les points rouges… Aïe, avec tout
notre bazar, on en a pour la soirée. Après une attente interminable, c’est
enfin notre tour. Le douanier examine les papiers de Nouky, fait semblant de
comprendre quelque chose, pianote deux trucs sur son ordi, puis nous les rend.
Bon, pour le chien c’est bon. Mais on s’attend à devoir déballer tout le reste.
Il nous pose quelques questions banales et ouvre un de nos sacs à dos, puis
nous fait signe d’y aller. Tellement incroyable que l’on n’y croit pas. On
hésite à partir, pas sûr d’avoir bien compris. Mais non, il nous dit bien de
partir, que tout est ok. Devant notre hésitation, il nous dit même Ok,
bye bye ! Bon, les douanes, c’est fait. On récupère la voiture de loc tant
bien que mal après des problèmes de carte bleue et de surtaxes. On avait
réservé une voiture vraiment pas chère par internet, mais au moment de la
récupérer, entre les taxes de ceci et les taxes de cela, le prix a
doublé !
On a atterri à 16 h 40, mais avec tout
ça, il est 21 h 30 lorsque l’on arrive à Miami Beach. On est claqué mais
content de trouver enfin l’appart, savourant d’avance une nuit de repos bien
mérité. Mais on déchante assez vite et on comprend tout à coup pourquoi le
proprio n’a ni tiqué sur le chien, ni sur l’heure d’arrivée… Déjà, celui-ci
nous accueille avec une bouteille de bière à la main, et vue l’odeur du
bonhomme, ça ne doit pas être la première de la soirée. Quand il ouvre la porte
de l’appart, on est pris d’effroi. C’est dégueulasse. L’appart est
brinquebalant. Les placards sont pourris par la moisissure, la vaisselle reste
collée aux doigts, les stores sont cassés, les draps immondes, et le canap est
tellement crade que même crevé comme on l’est, on n’ose s’y assoir. Et tout
cela pour 70 $ la nuit ! Bref, le paradis. Mais on n’a pas le choix, on a
rien trouvé d’autre et ce n’est pas à cette heure-ci que l’on peut faire les
difficiles. Le proprio a l’alcool joyeux et n’en finit plus de nous parler. On
finit tout de même par s’en débarrasser. Après une pizza vite avalée, on se
couche en priant le dieu des camping-cars de ne pas nous faire moisir ici trop
longtemps.
Mardi
8 mai : La quête
Ce matin, il est temps de commencer
notre quête du camion parfait qui devrait nous accompagner pour le reste de
notre séjour. Nous en avions repéré quelques-uns dans les petites annonces
lorsque nous étions à Cabarete. Un avait particulièrement attiré notre
attention, puisque parmi des dizaines d’annonces, Laetitia s’était tout à coup
écriée, en voyant une photo de l’un d’entre eux « c’est notre
camion ». Il s’agit d’un Winnebago de 1989. Mais de tous les propriétaires
que nous avons contactés, personne n’a pour le moment répondu à nos messages.
Nous n’avons donc aucun rendez-vous pour la journée. Nous décidons alors
d’appeler Ike, un vieux mécanicien plus ou moins à la retraite. C’est
Jean-François, un voyageur rencontré sur un forum qui a lui aussi acheté un
camper aux US, qui nous a donné son numéro. D’après lui, Ike est un véritable
spécialiste des camping-cars et connait beaucoup de monde dans ce domaine. Il
est donc possible qu’il nous trouve des campers à vendre. Nous le rencontrons
en milieu de matinée, et il a effectivement quelques camions à nous montrer.
Nous commençons donc la tournée, mais les premiers véhicules que nous voyons
sont de véritables ruines. C’est à peine croyable qu’ils tiennent encore
debout, alors rouler jusqu’en Arizona… Pour étendre la recherche, Ike appelle
un collègue mécano qui nous donne le tuyau d’un vieux camping-car qui serait
dans notre budget, et que le proprio aurait remis à neuf pour le vendre. Ok,
super, rendez-vous est pris pour cinq heures. Nous lâchons Ike chez lui pour le
déjeunez quand le téléphone sonne. Enfin quelqu’un nous rappelle. C’est le
propriétaire du Winnebago que nous avions repéré. Mais celui-ci ne peut nous
faire visiter son camion qu’en fin de journée. Nous convenons de le rappeler
après notre rendez-vous de cinq heures, et de venir le voir à ce moment-là, si
ça n'est pas trop tard. Nous occupons notre après-midi à visiter les revendeurs
de RV, mais cela n’aboutit à rien de concluant. Ils prennent une commission
énorme qui fait payer des camions pourris très chers. Et puis dans tous les
cas, ils ont très peu de véhicules dans notre budget.
L’après-midi passe et nous nous
rendons à notre rendez-vous. Nous y allons en compagnie d’Ike pour avoir son
avis d’expert. Le camion en question est effectivement vieux, mais l’extérieur
semble encore en bon état. L’intérieur aurait besoin d’un bon coup de propre
mais ça pourrait aller, et le moteur a été changé par le proprio qui est un pro
de la mécanique lui aussi. A 3500 dollars, ce camion ne semble pas si mal. Nous
passons un long moment à l’intérieur à se faire expliquer chaque détail quand
le vendeur nous demande ce que nous comptons en faire. Lorsque nous lui
expliquons notre périple, il ouvre de grands yeux et nous dit franco qu’il est
impossible de faire tout ça avec son camion. On hallucine un peu devant tant de
franchise. Nous ne comprenons pas bien pourquoi un camion qui semble avoir été
bien entretenu, avec un nouveau moteur, ne pourrait pas rouler plus loin que la
limite de la Floride, mais le proprio est formel, son camion n’est pas pour
nous. Pour lui, un vieux camion de 82 comme celui-là nécessite de s’y connaitre
en mécanique. En parcourant de telles distances, il y aura forcément des pannes
et des choses à changer. Nous remercions le vendeur pour son honnêteté et
prenons le chemin du retour. Il est désormais trop tard pour aller voir le
Winnebago, mais nous appelons le proprio pour fixer un rendez-vous pour le
lendemain. Celui-ci ne répond pas donc nous lui laissons un message. Le moral,
en cette fin de journée, n’est pas au beau fixe. Nous avons fait le tour des
revendeurs, avons épluché toutes les annonces et les seuls camions que nous
avons vus ne semblent plus être en état de rouler. On commence à se demander si
l’on va arriver à trouver quelque chose. Il nous reste l’espoir du Winnebago,
et nous attendons avec impatience que son proprio nous rappelle.
Mercredi
8 mai
Le lendemain, nous décidons d’élever
un peu notre budget pour aller visiter de nouveaux camions. Nous prenons
rendez-vous avec quatre personnes, toutes d’origine latine. On est vraiment
surpris. On est à Miami, mais nous parlons espagnol toute la journée. Et pas
seulement dans notre recherche de camions. Des quartiers entiers semblent sortis
tout droit d’Amérique latine. Tout est écrit en espagnol et il y résonne des
airs de salsa à tous les coins de rue. Même au Burger King nous ne passons pas
notre commande en anglais.
Les camions du jour ne sont pas plus réjouissants
que ceux de la veille. Le premier pourrait donner le change de loin, mais de
près, sa structure est rongée par l’humidité, et il semble prêt à se désosser
si nous prenons le risque de le déplacer. Les deux suivants sont chers pour
leur état et nous perdrions beaucoup à la revente. Le dernier, en revanche, est
nickel. Extérieurement et intérieurement impeccable. On dirait qu’il n’a jamais
servi. Le moteur est bien entretenu et tourne bien. Mais le problème, puisqu’il
y a toujours un problème, c’est qu’il est de 82 et que son proprio le vend
cher, 7 000 $. Aussi vieux, nous ne sommes vraiment pas sûrs d’arriver à
le revendre et à ce prix-là nous perdrions trop d’argent.
A la fin de la journée, le bilan n’est
donc pas meilleur que celui de la veille et nous commençons vraiment à
désespérer. Nous avons fait le tour de ce qui était dans notre budget, le tour
de ce qui était au-dessus de notre budget, et nous n’avons toujours aucune
piste. Nous n’avons pas non plus de nouvelle du Winnebago. Son proprio ne
répond pas au téléphone et ne nous rappelle pas. Nous enrageons car nous avons
vraiment la sensation qu’il s’agit de notre camion et qu’il nous attend pendant
que nous perdons notre temps à arpenter tous les recoins de Miami. De plus, ces
visites très peu touristiques ont un coût. Nous devons payer la voiture de loc
et l’appart, alors chaque journée passée ici creuse un peu plus notre budget,
déjà bien entamé par notre mésaventure avec Jean.
Devant ces constatations, nous prenons
la décision de réorienter une nouvelle fois notre recherche. Si nous n’arrivons
pas à trouver de camping-car, nous pouvons essayer de trouver un van. Mais avec
tout notre barda, il serait impossible d’y squatter. Il nous faut donc un van
pour mettre le matos et il faudrait trouver une petite caravane pour loger.
Nous épluchons à nouveau les annonces de la Craigslist et repérons des camions
intéressants et quelques caravanes dans un budget compatible avec nos finances.
L’espoir de quitter un jour la Floride renaît et on se couche soulagé.
Jeudi
9 mai
Aujourd’hui, le marathon des visites
reprend. Nous faisons le tour des dépôts-ventes et déchantons assez vite.
Encore une fois, les véhicules sont en piteux état et chers. Nous recommençons
à penser que notre périple ne va pas se poursuivre plus loin que la Floride. La
seule solution serait d’aller étendre notre recherche dans d’autres états, mais
avec tout notre bazar, il est impossible de se déplacer. C’est à ce moment que nous
tombons sur un revendeur, un vieux de 88 ans, qui à force de bla-bla accepte de
nous lâcher un van bleu, avec assez peu de kilométrage, qui pourrait convenir.
Loin de ses yeux, nous sympathisons avec son mécano, Victor, un chilien super
sympa, qui nous assure que le moteur est en bon état. Nous voulons nous laisser
le temps de la réflexion et continuer un peu nos recherches pour être sûr. En
fin d’après-midi, d’après tout ce que nous avons vu, nous sommes convaincus que
le van bleu est bien placé en prix. Nous sommes décidés à l’acheter et prenons
la direction du dépôt, mais histoire de n’avoir vraiment aucun doute, nous
faisons une dernière pause sur le parking du Burger King pour profiter de leur
wifi, et vérifier encore une fois les annonces de vans et de caravanes. Il y a
peu d’annonces pour des caravanes dans notre budget, mais pour quitter la
Floride, nous sommes prêts à commencer le trip dans le van, en espérant quand
même en trouver une dans un autre état. C’est à ce moment, à cinq minutes de signer
pour le camion bleu, que le proprio du Winnebago, dont nous n’avions plus
aucune nouvelle depuis des jours, décide de se manifester. C’est incroyable.
Signe ou pas signe, nous sommes obligés d’aller le voir. Ça fait une semaine
que l’on attend ça, et histoire d’en avoir le cœur net, nous décidons d’aller
le visiter. C’est à l’autre bout de la ville et il faudra se taper deux heures
de bouchons pour y arriver, mais en le voyant, notre intuition se confirme. Il
est nickel. Nous demandons au proprio de nous envoyer par mail ses coordonnées
bancaires pour que nous puissions lui faire un virement et rentrons à la
maison. Et là, nous attendons. Nous attendons toute la soirée un mail qui ne
vient pas. Nous rappelons le gars mais personne ne répond. Nous ne comprenons
plus rien et en venons à la conclusion que nous sommes encore tombés sur un
fou. Il nous avait déjà rendus dingues toute la semaine en ne nous rappelant
pas malgré nos nombreux messages, et là, alors que nous sommes acheteurs, il ne
donne à nouveau plus signe de vie. Tant pis, on ne va pas le supplier d’acheter
son camion, ni rester à attendre qu’il se manifeste. S’il ne veut pas nous
donner ses coordonnées, nous ne pouvons pas faire de virement. Nous repartons
donc sur l’idée d’acheter le camion bleu et nous couchons là-dessus.
Vendredi
9 mai : Blue van ou Winnebago ?
Le lendemain, nous reprenons la route
du dépôt. A notre arrivée, le vieux vendeur est fatigué et il ne se montre pas
très pressé de faire les papiers. Il nous indique même l’adresse d’une caravane
que nous pourrions aller voir avant de signer. Nous reprenons la voiture pour
une énième virée, et bien sûr, c’est le moment que choisit le proprio du
Winnebago pour se re manifester. Nous lui indiquons que nous sommes sur le
point d’acheter un véhicule, et que s’il veut nous vendre son camion, il doit
nous envoyer ses coordonnées. Et nous attendons à nouveau un mail qui n’arrive
pas. Nous n’en pouvons plus de son comportement et décidons que quoi qu’il
advienne maintenant, nous allons acheter le van. Nous retournons au dépôt,
faisons tous les papiers, mais au moment de payer le montant ne correspond pas
à ce que nous attendions. Le vieux avait juste oublié de nous dire que le prix
annoncé était hors taxes… Ce n’est pas vraiment de la malhonnêteté. Tous les
prix affichés aux US sont hors taxes et les américains y sont tellement
habitués qu’ils n’en parlent même plus dans les transactions. Oui, mais nous
nous sommes français et nous nous ne parlons pas le hors taxe. Avec cette
surprise de dernière minute, le prix du van a considérablement augmenté. Il est
tard et nous ne voulons pas nous décider en vitesse. Nous stoppons tout et reprenons
le chemin de la maison.
Comme par magie, le proprio du
Winnebago nous rappelle. Nous prenons alors la décision d’acheter le
camping-car, mais il n’est plus question de faire un virement. Il est hors de
question d’envoyer de l’argent à quelqu’un qui disparaît régulièrement de la
circulation et ne rappelle jamais. Et de toute façon, nous sommes vendredi soir
et un virement, avec l’approche du week-end, prendrait plusieurs jours pendant
lesquels nous serions bloqués ici, avec les surcoûts que ça engendre. Il faut
le payer en cash… Nous prenons rendez-vous pour le lendemain matin huit heures.
Le vendeur a un impératif en milieu de matinée et ne peut pas plus tard, et
dans tous les cas, cette heure matinale nous arrange. Nous convenons de nous
retrouver devant le centre des immatriculations. Ainsi, nous sommes sûrs
d’éviter les problèmes. Au moment où nous lui donnerons l’argent, nous ferons
instantanément le changement de nom. Maintenant, reste à trouver cinq mille
dollars en cash ce qui, évidemment, ne peut se retirer au distributeur du coin.
Il est six heures du soir et commence alors un nouveau marathon… Pour obtenir
autant d’argent liquide, nous ne voyons qu’une seule solution, la Western
Union. Le seul problème, c’est qu’il est impossible de se faire soi-même un
envoi. Il faut que quelqu’un de la famille nous le fasse. Nous nous tournons
donc naturellement vers le staff Christian et Marie-Jeanne, toujours prêts à
réagir dans l’urgence et à nous aider. Sauf qu’avec le décalage horaire, il est
une heure du matin en France et qu’on ne va quand même pas abuser au point de
les réveiller au milieu de la nuit. Nous mettons donc le réveil à 3 h du mat
afin de joindre Christian le plus tôt possible. Nous lui expliquons la
situation et lui donnons les consignes du transfert. Celui-ci nous assure qu’il
va se rendre à la poste, d’où il doit faire le virement, immédiatement, et que
nous aurons donc l’argent disponible aux guichets western dès notre réveil.
Nous nous couchons pour ce qui reste de la nuit en espérant que désormais tout
roule…
Samedi
10 mai : Achètera, achètera pas ?
Au lever du jour, nous sommes déjà
dans la voiture pour aller retirer l’argent avant le rendez-vous. La veille,
nous avions pris la précaution d’appeler la western union pour vérifier leurs
horaires d’ouverture et les prévenir de l’arrivée du virement. Ils nous ont
assuré qu’il n’y aurait pas de problème et nous arrivons donc sereins au
guichet. Mais nous ne le restons pas longtemps. A cette heure matinale, ils
n’ont finalement pas autant de cash disponible. Ils nous demandent de repasser
plus tard dans la journée. Nous sommes complètement découragés. Nous faisons
tout pour que tout se passe bien et pourtant de nouveaux problèmes surgissent
constamment. Il est hors de question de repousser la vente. Cela nous amènerait
à lundi, puisque le service des immatriculations ferme le samedi à midi, et que
nous ne voulons pas acheter le camion sans être sûrs de pouvoir l’immatriculer
ensuite. De plus, cela nous ferait prendre le risque de voir le vendeur se
volatiliser une nouvelle fois, et nous serions alors obligés de reprendre
toutes nos recherches depuis le début. Et enfin, nous n’avons vraiment aucune
envie de passer tout le weekend end à Miami, dans le coin bizarre où nous
logeons, avec 5 000 dollars dans les poches. Nous n’avons pas le choix, il faut
trouver un guichet qui a l’argent, et cela en moins de trois quarts d’heure,
puisque le vendeur ne peut nous attendre plus longtemps.
Commence alors pour nous une course
folle à travers Miami. Les employés de la Western nous orientent vers un autre
dépôt. Nous partons en courant jusqu’à la voiture et roulons le plus vite
possible, c’est-à-dire au ralenti, puisque la vitesse est incroyablement
limitée. Nous bouillons et chaque feu rouge est un supplice. Arrivés au
deuxième guichet, pour pimenter un peu l’histoire, celui-ci est évidemment
fermé. Nous sommes découragés et prêts à tout laisser tomber. Il nous reste
quarante minutes pour trouver un guichet, un samedi matin, dans une ville que
l’on ne connait pas. Devant tant de poisse, nous sommes presque résignés quand
un gars, qui a du remarqué notre découragement, se dirige vers nous. Il nous
indique un nouveau guichet à cinq minutes de voiture à peine. Nous reprenons
espoir. A peine le temps de le remercier, nous repartons en courant. On se
croirait vraiment dans un mauvais jeu télévisé, comme Fort Boyard ou Pékin Express,
sauf que pour nous ça n’a rien de drôle. Nous déboulons au guichet, expliquons
la situation et prions l’employée de se dépêcher. Il nous reste trente minutes
pour apporter l’argent au vendeur. Evidemment, elle commence par nous dire
qu’elle n’a pas assez puis, après cinq minutes, nous dit que si, finalement,
elle l’aurait, mais en petites coupures. Est-ce qu’on serait intéressé ?
Bon, on n’a pas dû être suffisamment clair. Bien sûr qu’on est intéressé !
Grosses coupures, petites coupures, pièces jaunes et même billets de Monopoly
si ça pouvait nous permettre d’acheter ce bon sang de camion dans les temps,
tout ce que l’on veut c’est notre argent. Elle se décide enfin à entamer le
transfert. Et comme dans tout mauvais scénario catastrophe, nous avons droit à
la panne d’ordi. Elle devra relancer le système trois fois avant de pouvoir
valider le virement. Puis vient l’étape interminable du recomptage des billets.
Nous la regardons, désespérés, faire le compte de nos 5 000 dollars en coupures
de dix et de cinq. Ça n’en finit plus et ça n’est absolument pas discret. Le
guichet est situé en plein milieu d’un supermarché, et elle entasse ainsi des
montagnes de billets sous les yeux ébahis des clients. Elle nous conseillera
tout de même de faire extrêmement attention avec tout cet argent. Nous
résistons à l’envie de lui répondre que grâce à sa discrétion, nous risquons
bien de nous faire braquer en sortant du supermarché. Mais nous sommes trop
pressés. Nous attrapons notre magot et courons à la voiture. Il nous reste sept
minutes pour attraper le vendeur. Nous arrivons en trombe devant lui et lui
agitons le sac sous le nez pour lui enlever toute envie de nous planter là pour
aller à son rendez-vous. A deux minutes près, il allait partir. Nous faisons
transaction et immatriculation dans la foulée en un temps record. Le fait
d'être étrangers n’a finalement posé aucun problème pour l’achat, et quelques
minutes après être sorti de la voiture, on se retrouve avec le titre de
propriété dans une main, les clés dans l’autre. Ouf ! Nous n’en revenons
pas. Nous serons finalement arrivés au bout de ce cauchemar. Nous envoyons un
texto à Christian pour lui dire que nous avons bien récupérer l’argent. Nous
apprenons que de son côté les choses n’ont pas été plus simples. Il lui aura
fallu deux heures à remuer ciel et terre pour faire partir le virement.
Enfin, ça y est ! Le camion est à
nous ! Mais la journée n’est pas finie… Il est hors de question de passer
une nuit de plus dans cet appart pourri et de faire dormir notre nouveau camion
dans la rue. Dans ce quartier, on pourrait se le faire voler. Donc première
étape, rendre la voiture de loc. Puis retourner à l’appart, donner un coup de
propre au camping-car, charger notre bazar, faire des courses pour la route et
rejoindre le parking d’un Wal Mart (qui accepte que les campers dorment devant
le magasin) pour ne pas avoir à payer une nuit de camping… Bref, tout cela nous
prend un bon bout de temps et il est deux heures du matin lorsque l’on
s’apprête à se coucher. Mais comme il manquait une touche à cette journée sans
fin, nous nous rendons compte que nous ne sommes pas les seuls habitants du
camion. Celui-ci est envahi de cafards. Impossible de se coucher au milieu. On
retourne donc au supermarché, à 2 h 30 du matin. Là encore les horaires
non-stop du Wal Mart nous rendent bien service, et on hallucine devant le
nombre de personnes qui viennent faire leurs courses au milieu de la nuit. Nous
achetons une bombe et commençons la guérilla contre les squatteurs. A plus de
trois heures, morts de fatigue, on s’écroule enfin dans le lit.
Dimanche
11 mai : le départ !
Ca y est, nous sommes enfin prêts à
prendre la route. Avant de démarrer, nous passons un coup de fil à Victor, le
mécanicien chilien du camion bleu. Il était là lorsque nous avions dû annuler
la vente du van pour cause de surtaxe, et avait été témoin de notre déception.
Il avait alors été vraiment adorable avec nous et avait même proposé de faire
marcher ses contacts pour nous trouver un nouveau véhicule. Nous tenions donc à
lui dire que nous avions trouvé notre camion et le remercier une nouvelle fois
pour sa gentillesse. Au téléphone, il se montre ravi pour nous, et nous propose
instantanément d’ausculter notre nouvelle acquisition pour s’assurer qu’elle
nous conduise bien à destination. Nous ne pouvons refuser une telle
proposition, et repoussons notre départ de quelques heures pour passer le voir.
Celui-ci nous attend en bas de chez lui, et sa première réaction est
excellente : « Ouah, il est super ce camion ». Puis, il se
penche sur le moteur et nous attendons son verdict avec anxiété. Mais très
rapidement, son avis est sans appel : « Son moteur est parfait, même
bien mieux que le van que vous vouliez acheter. » Ouf !! Il nous
propose de changer quand même la courroie par mesure de précaution avant une
aussi longue route. Il nous accompagne au magasin et nous change la pièce en
moins d’une heure. Nous sommes vraiment touchés par autant de gentillesse. Nous
sommes dimanche matin, son seul jour de congé, et pourtant il nous donne de son
temps pour s’assurer que nous profitions de notre voyage. Nous ne savons
comment le remercier. Il nous dit au revoir en nous serrant fort dans ses bras
plein de cambouis. Nous en ressortons tout noirs, mais tellement soulagés. Il
est exactement 14h32 quand nous attaquons enfin la grande route de l’ouest qui
va nous faire traverser tout le sud des Etats-Unis, jusqu’aux états mythiques
de l’Arizona, de l’Utah et de tous les autres. Sur le parking, Victor nous fait
de grands signes : « Que les vayan bien, que les vayan
bien !!! ».
C'est incroyable ce qui vs arrive ! j'viens de passer plus d'une heure à lire toutes ces aventures et je trouve que tu écris franchement bien. En tout cas tant de mésaventures ne font pas rêver. Heureusement que les photos font l'effet inverse.
RépondreSupprimerj'espère que la suite de l'histoire sera moins périeuse. Bravo à Laetitia pr son vol.
Ns c'est beaucoup plus tranquille ici, tt va bien, on revient de 15 jours à la Réunion (c'était vraiment excellent) et on prépare un gros week-end festif pr les 30 ans de notre Steeve national. Bisous et profitez bien du reste de votre séjour. Elodie de Nice
Quel périple! Et Nouky? Il le place où Jean dans la chaîne décisonnaire? ;o)
RépondreSupprimerBravo à Laeti pour le vol (et je sais de quoi je parle!)
Profitez, profitez!
Isa & Cyril
Excellentissime! Je me suis régalé en lisant vos péripéties! Ce Jean c vraiment un con, j'espère que vs rencontrerez plus de gens comme Victor par la suite. Que l'aventure continue avec pleins de bonnes surprises !!! Bises @ +
RépondreSupprimerJ'hallucine à chaque fois que je vous lis, on trouvait qu'on avait eu des galères en un an de trip mais en fait c'était rien en comparaison !!! vous aurez de nombreux souvenirs en tout cas !!! j'espère que le reste du trip sera plus cool, même si ça me fait bien rire je dois l'avouer, car on croit que c'est fini, et non ils vous arrivent encore qqch !!!! En tout cas merci pur ces récits, c'est génial.bise, mag
RépondreSupprimertout simplement BRAVO à Laeti pour son vol...
RépondreSupprimerle reste c'est des broutilles à côté, merde !
Plus j'avançais dans la lecture plus je me disais:
RépondreSupprimer"c'est pas vrai, elle va le faire, elle va le faire, elle s'apprête à le faire, elle est en train de le faire, elle l'a fait !!!"
Chapeau bas, Mlle Mouraret !
Wahouuuu! Trop bien, je viens tout juste de rattraper (un peu) mon retard...Tic tac, tic tac, j'me suis crue dans un épisode de 24heures chrono...Well done Jack Bauer!!!
RépondreSupprimerJuste pour l'anecdote, nous quand on était au guichet pour retirer nos quelques milliers de dollards pour notre van australien, on a juste maladroitement fait tomber la liasse de billets au moment de la ranger...Sous le regard amusé de nos voisins..!
Bref, le texte est palpitant, les photos grandioses, j'ai hâte de lire la suite (les photos je les connais déjà par contre!), vous nous faites vibrer,
continuez bien!
Enormes bizzzzz