mercredi 28 mars 2012

De Gwada à Barbuda


Vendredi 2 mars : Embarquement sur Shadococo

On doit embarquer aujourd’hui avec René, alias « Capitshadoc ». On l’a rencontré sur le net, au cours de nos centaines d’heures passées à préparer le trip. On ne trouvait pas de moyen pour rallier la Guadeloupe à Porto Rico quand nous sommes tombés, un peu par hasard, sur les bourses aux équipiers. Le principe est celui du bateau-stop. Les capitaines et les équipiers déposent des annonces ; si les itinéraires correspondent et le feeling passe, on embarque ensemble. René a accepté notre programme, notre chargement et le chien, alors même si nous n’avons eu que des échanges par mails interposés et un rapide coup de fil, il s’annonce tout de même plutôt cool.
Au départ du bungalow, c’est la bourre. On est quatre, plus les bagages, le board bag, une planche, le chien ; ça ne rentrera jamais dans ti poubelle. Je pars donc d’abord avec le matos et Laeti. Je la laisse avec tout ça au port, puis je file rendre la voiture à l’aéroport où Magali, notre logeuse de Petit Bourg, doit me récupérer avec Christian et Marie-Jeanne. Le mec de la loc n’est même pas là. Il n’est vraiment pas stress concernant l’état de la voiture. On l’avait tout de même prévenu qu’on avait trouvé le moyen d’abîmer un des derniers endroits en bon état : le rétro. On l’a fracassé contre un pilier de Carrefour à cause d’un trop gros chargement de planches à l’intérieur qui réduisait légèrement la visibilité vers la droite… Enfin, je laisse donc la voiture sur le parking avec la clé dans le coffre…
Magali nous dépose donc à la marina et on se dirige vers le cata. On est un peu anxieux. On a beau s’être mis d’accord sur le principe avec René, dans la réalité, plusieurs inconnues subsistent. A-t-il vraiment conscience que nous voyageons avec un tel bordel ? Comment va-t-il accueillir le chien, supporter de l’avoir dans les pattes, de faire des pauses à terre pour qu’il se soulage… ? Et surtout, sur qui va-t-on tomber ? Est-ce que le courant va passer ? Trois semaines sur un bateau, ça peut vite virer au drame… C’est avec toutes ces incertitudes que nous progressons difficilement, sous la charge de notre barda et le soleil de plomb antillais. Enfin arrivés face à « Shadococo », le Lagoon 42 qui va être notre taxi/maison/cuisine pendant 22 jours, nos doutes se dissipent. On découvre un René très sympa, qui charge notre bordel sans rechigner, « ouais bon ça attends… ouais, on peut le caler là… bon par contre tu sais ce truc si ça reste au milieu, c’est pas très grave… » Ouf ! Le bonhomme est un fonctionnaire à la retraite (ex-enseignant chercheur en science de l’éducation…), à priori assez cool, adepte de naturisme et de ti punch. Sur le planning, ça parait bien open « bah les chéris c’est comme vous voulez ! ». Il est accompagné d’Alain, rencontré comme nous sur les bourses aux équipiers, et qui doit également faire tout le périple avec nous. Il se révèle lui aussi très sympa. En France, il est en cessation progressive d’activité, et pour le trip, il annonce d’emblée la couleur : il veut buller dans des lagons idylliques. Le bateau, lui, est un catamaran de treize mètres. Dans chaque flotteur il y a une cabine à l’avant et une à l’arrière. Dans le flotteur tribord se trouvent les cabines de René et Alain, une salle de bain (hors d’usage) et le tableau électrique du bateau. Coté bâbord, il y a notre cabine, celle de Christian et Marie-Jeanne, une salle de bain et la cuisine. Entre les deux flotteurs il y a un grand carré intérieur. Mais la zone de vie se situe surtout à l’extérieur autour d’une grande table. Tout se présente donc assez bien… 450 euros de courses au Champion de la marina plus tard, nous quittons le port en fin de journée pour aller mouiller à l’îlet du Gosier, à seulement quelques encablures.

Samedi 3 mars : Les Saintes

On est réveillé à 7 h. Décidément, je ne sais pas si on se met au rythme du soleil ou si l’air marin nous dope, mais on ne s’est jamais réveillé aussi tôt. C’est un scandale : en vacances on ouvre les yeux à l’aube, alors qu’à la maison, impossible de sortir du lit quand le réveil sonne. Certes la motivation face aux activités du jour n’est pas la même…
 Au petit déjeuner on discute de l’itinéraire. Pour faire route vers Antigua, la première île au Nord, on doit passer sous le vent de la Gwada, puis remonter toute la côte de Basse-Terre. Afin de couper un peu la route on décide de faire une halte d’une nuit aux Saintes, des petites îles dépendantes de la Guadeloupe. A huit heures on lève donc l’ancre et on tire vent de travers dans une mer bien formée. Ça secoue dans tous les sens et, pour nos premières heures sur un cata, on ne fait pas trop les fiers lorsque l’on rentre à l’intérieur du bateau. On reste donc dehors, au frais… On arrive rapidement aux Saintes où l’on mouille sur « Terre de Haut ». On se jette à l’eau pour une plongée dans une eau limpide où l’on voit parfaitement le fond, pourtant à 10 mètres. On y voit pas mal de poissons de toutes tailles, dont certains d’une quarantaine de centimètres. C’est certainement une de mes plus belles plongées, pour la qualité de l’eau et le nombre de poissons.

Dimanche 4 mars : Réserve Cousteau

On va se balader sur Terre de Haut, vers le fort Napoléon, une fortification construite sur les hauteurs. De là, le regard embrasse l’ensemble de l’archipel des Saintes, la Guadeloupe et la Dominique. Puis, on redescend découvrir le seul petit village de l’île. Les Saintes se sont ouvertes assez récemment au tourisme et restent donc encore très authentiques. Le village est très tranquille, et se compose seulement de quelques rues étroites, bordées de maisons aux toits colorés et aux façades travaillées, noyées dans la végétation. La plupart des gens sont souriants et se baladent principalement en scooter ou à vélo. La rue principale regorge de petits commerces à touristes, comme boutiques de paréos et petit restos de poissons. On y trouve aussi de belles aquarelles de plages colorées et paradisiaques. Le village est entouré de collines verdoyantes bordées d’eaux lipides. L’ensemble a beaucoup de charme et donne d’emblée envie d’y rester une semaine… Ce n’est qu’en voyant les panneaux indicateurs que l’on se rappelle que nous sommes en… France ! Mais la route est longue jusqu’à Porto Rico, et nous préférons réserver du temps pour les îles plus excentrées du nord des Antilles. On met donc les voiles sur Vieux Fort, le sud de Basse Terre, pour remonter vers Deshaies en longeant la côte sous le vent.
Je prends la barre dans un largue d’une quinzaine de nœuds. Mais la météo change très vite aux Antilles. Alors que le temps était magnifique ce matin, le ciel s’assombrit très vite, la température fraichit et les premiers grains arrivent. Aux premières gouttes tout le monde se réfugie dans le carré, et je me retrouve seul à la barre. Un taud me protège du plus gros des averses, mais les embruns poussés par le vent me trempent le dos. Les ondées chassées par le vent forment des nuages de vapeur à la surface de la mer, ce qui donne un aspect de tempête. Le vent prend les tours au fur et à mesure que l’on s’approche de la pointe. Un solide 25 nœuds gonfle à présent les voiles. On file à bonne allure, à une moyenne de 9 nœuds, et je dois avouer que je me prends au jeu. L’ambiance du temps assombri, les creux qui se forment de plus en plus à mesure que le vent fraichit, et le cata qui file sous mes coups de barre me donne la sensation d’être en route pour un tour du monde. Le vent prend encore les tours et les rafales atteignent les 30 nœuds. Je n’ai alors plus du tout l’impression de naviguer dans les Caraïbes. Si le vent ne faiblit pas, le ciel lui s’éclaircit et l’équipage ressort peu à peu du carré. Je me retourne et vois arriver une série plus grosse que les autres. Aidé par une bonne rafale, je mets le bateau dans la houle et il part dans un surf incroyable où il semble ne plus vouloir quitter la vague. Le flotteur sous le vent est à la limite d’enfourner, des gerbes d’eau jaillissent du trampoline. Le speedo s’affole… 11… 12… 13… 14… 14,5 nœuds ! Yaouhh !
Quelques milles plus loin, nous passons la pointe de Vieux Fort, le début de la côte sous le vent. La houle diminue et les rafales se font moins puissantes. Je laisse la barre et le cata file sereinement à 8/9 nœuds au portant. J’en profite pour aller à l’avant regarder le bateau sous différents angles. Je m’allonge sur le trampoline pour regarder l’étrave fendre l’eau. Ça me permet de prendre un peu de distance par rapport à ce que nous vivons, et de réaliser la chance que nous avons. Après le cargo, la Gwada, la planche, nous sommes maintenant sur un cata ! On explore et on intègre les différents univers maritimes et c’est une expérience incroyable.
On mouille au nord de la plage de Malendure, dans la réserve sous-marine Cousteau. Le vent accélère sur le relief derrière la plage et on doit se reprendre à trois fois pour assurer un mouillage sûr. A peine l’ancre est jetée que j’entends Christian hurler « Tortue ! ». On aperçoit à une vingtaine de mètres du bateau la tête d’une tortue, comme le périscope d’un sous-marin. Après quelques brasses, elle plonge et nous la perdons de vue. On attrape rapidement masques et tubas, et on se jette à l’eau à sa poursuite. En se rapprochant de l’endroit où elle avait disparu je la vois au fond de l’eau (enfin pas sûr que ce soit vraiment la même), en train de manger les algues marines. Je fais signe à Laetitia et nous allons la suivre, pendant une vingtaine de minutes, pendant qu’elle mange à trois mètres en dessous de nous. Elle ne se sert que de ses nageoires avant qui bougent de manière similaire à celles d’un pingouin. Sa tête, ainsi que ses nageoires, sont quadrillées comme une toile d’araignée. L’instant est magique. On se regarde, avec nos têtes déformées par la pression du masque, et on comprend que nous vivons des moments extraordinaires. Tous les deux, en maillot au mois de mars, dans l’eau magnifique de la mer des Caraïbes, en train de suivre une tortue ! Elle s’éloigne vers le large et nous la perdons de vue progressivement dans le bleu de l’océan. En se rapprochant du bord, la magie continue puisque nous tombons sur un banc d’une centaine de poissons ! Toutes les teintes sont représentées ; violet, turquoise, vert, gris, jaune. Ils longent les rochers en mangeant des algues à moins d’un mètre de nous. On les suit, on plonge nager entre eux et on pénètre encore un univers à part, où on est à priori étrangers, mais qui nous accepte aujourd’hui pour quelques brasses. Autour des poissons existe une flore marine riche de coraux différents et de gorgones aux larges feuilles qui se balancent au gré des courants. Cette magnifique plongée clôture une journée riche en émotions…

Lundi 5 mars : Deshaies

Ce matin, avant de partir pour Deshaies, nous plongeons aux îlets Pigeon, le cœur de la réserve Cousteau. Il est tôt et nous sommes seuls. Les bateaux de plongées n’ont pas encore déversé leur flot de touristes. On plonge entre les deux ilets. L’eau est translucide, incroyablement claire. Il y a des poissons partout, et là encore c’est un festival de couleurs. Je ne sais pas s’ils sont habitués aux humains, mais ils ne sont pas farouches. On peut les approcher de très près, et on a l’impression qu’on pourrait presque les toucher. Ils finissent tout de même par se dérober tranquillement, à quelques centimètres de nos doigts. On est une nouvelle fois ébahis par les fonds marins et cette plongée exceptionnelle.
En fin de matinée, nous naviguons vers Deshaies, notre dernière escale guadeloupéenne. Nous avons finalement passé trois jours en Guadeloupe, le temps que tout le monde prenne son rythme à bord, avant de partir vers des navigations plus longues. Après ces quelques jours passés ensemble, le bilan est positif. Habitués des monocoques, nous trouvons le cata spacieux… Chacun peut y trouver un espace à lui. La répartition des tâches s’est faite un peu naturellement, sans en avoir l’air…. Marie-Jeanne à la cuisine, avec Laeti comme aide cuisto, et les garçons à la vaisselle à tour de rôle. Pour la navigation et les mouillages les rôles tournent. René n’intervient plus ou moins qu’au moment de jeter l’ancre. Le reste du temps il nous laisse gérer la navigation, ce qui me permet de faire et de défaire les réglages des voiles pour gagner quelques nœuds. En ce qui concerne la vie à bord, nous disposons du luxe de ne pas compter l’électricité puisque Shadococo est équipé de panneaux solaires. Ceci nous permet d’avoir un frigo, de recharger les appareils et d’avoir de la lumière le soir. Pour ce qui est de l’eau, c’est moins luxueux. Il y a un désalinisateur à bord, mais le capitaine qui souhaite l’économiser, ne produit que soixante litres par jour, soit dix par personne. Sur ces dix litres, il faut compter l’eau à boire, celle utilisée pour la cuisine et celle pour se laver. Autant dire qu’il ne reste pas grand-chose pour les douches, qui se font du coup à l’eau de mer à l‘arrière du bateau. Pour cuisiner, il faut juste ne pas être pressé… Il y a trois réchauds et un four, mais comme aucun ne fonctionne normalement et qu’il faut compter environ quarante minutes pour faire cuire des pâtes, il faut bien anticiper la préparation des repas. Sinon nous sommes obligés de faire des apéros à rallonge… Pour aller à terre, nous disposons d’une annexe, avec moteur électrique. A nous donc de gérer l’énergie. Quand il n’y en a plus, il y a les rames… Nouky, pour qui c’était la première expérience de marin, s’est adapté à une vitesse surprenante. A peine l’annexe à l’eau qu’il est déjà dedans. Pour limiter le nombre de mise à l’eau du youyou, il a aussi vite compris qu’on pouvait aller à terre et en revenir à la nage, à condition de ne pas se tromper de bateau au retour…
 Nous arrivons à Deshaies en milieu d’aprèm. Cette crique refermée est un bon abri pour mouiller. On en profite pour refaire quelques courses. Le soir de grosses rafales, dignes d’une soirée musclée de mistral, nous font nous interroger sur la traversée de demain… inch’allah…

Mardi 6 mars : British Antigua


Réveil mis à 6 h. On est debout 20 minutes avant. Décidemment les Antilles nous transcendent… Bon, il faut dire qu’on se couche en moyenne à 22 H 30, ce qui est aussi assez exceptionnel. Nous levons l’ancre et mettons le cap sur Antigua pour une traversée de 45 milles, soit environ 7 h de navigation, au près, contre les alizés. Cela fait maintenant plusieurs jours que le vent souffle puissamment, ce qui a levé une belle houle de 2 à 3 mètres. Le vent, établi entre 20 et 25 nœuds, nous permet d’avancer à une moyenne de 7 à 8 nœuds. On a un ris dans la grand-voile (obligatoire car René n’a pas fait réparé le point d’écoute) et un tour dans le génois. Même si le cata passe assez bien dans ces conditions déjà musclées, on se fait quand même secouer. Il y a régulièrement une série plus grosse que les autres. Shadococo s’élève alors au-dessus de la houle avant de retomber d’un coup dans l’espace laissé libre une fois la vague passée. Il tape alors violemment et nous rince copieusement. Après sept heures de navigation difficile, parsemée de grains, nous sommes éreintés. Vraiment, la voile dans les Caraïbes n’est pas de tout repos… Nous reprenons des couleurs en voyant enfin la côte. Il faut alors se diriger vers English Harbour, une marina, afin de faire les formalités d’entrée sur le territoire. De loin la côte a l’air sauvage et l’entrée de la baie ne se dévoile qu’au dernier moment. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a servi de repaire à la flotte britannique, emmenée par le Capitaine Nelson, qui fondait au dernier moment sur ses ennemis (dont les français).
On mouille à l’entrée de la baie et on va directement faire les papiers. Nous sommes assez stressés car, malgré des mois de tractation et de préparation que Laetitia a passé pour les formalités du chien, ce n’est toujours pas clair. On a bien un permis d’import, mais la responsable sanitaire nous avait demandé de contacter le vétérinaire dès notre débarquement, vétérinaire qui ne répond évidemment pas au téléphone. Il est 15 h 30, et il est très clairement écrit que nous devrons payer le contrôle sanitaire en heures supplémentaires après 16 h… Pour gagner du temps on débarque donc avec le chien, et on va directement au service d’immigration. On tombe sur un gros black, crâne rasé, visage fermé, avec une tête de bulldog. Aïe, rien qu’à sa gueule on devine que ça va mal se passer. Il y a des gens devant nous en train de remplir des papiers, alors on en profite pour lui demander des renseignements : il ne nous répond pas, ni même ne nous regarde ! Ça va être tendu. Quand vient notre tour il nous regarde enfin et, quand il voit le chien, nous dit « return to the boat and come back without the dog». On lui explique que nous devons voir le véto mais il nous répond « return to the boat and come back ». On lui montre le permis des services vétérinaires antiguais mais il nous ressert son « return to the boat and come back ». On hallucine, d’autant qu’il commence à s’énerver. On sort donc de son bureau, déboussolé. On essaie encore une fois d’appeler le véto mais le téléphone ne fonctionne pas. Je m’apprête à rentrer dans un bar pour demander un téléphone quand je vois le molosse des douanes foncer sur moi, furax, et me hurlant « return to the boat and come back », comme un robot qui n’aurait qu’une seule phrase préenregistrée. Pourrait pas être plus clair ce con ? Et surtout moins agressif ? Voyant que ça tourne mal, et flippant à l’idée qu’il pourrait confisquer le chien, je retourne à l’annexe avec Nouky et repars en vitesse vers le cata. J’espère ainsi qu’il va se calmer et faire avancer les choses. Je me retourne et le vois sur le quai en train de vérifier que je parte bien vers le bateau… Je reste à bord avec le chien pendant que Laeti continue de galérer avec le molosse. Une bonne heure plus tard elle arrive enfin. Elle m’explique que le véto vient d’arriver, que lui n’a pas l’air d’un robot, et que ça devrait s’améliorer. Nous retournons alors à terre avec le chien. Après avoir jeté rapidement un œil sur tous les papiers que nous avions préparés, il accorde son entrée sur le territoire à Nouky, après nous avoir tout de même soulagés de 40 €…
Même si Laeti, après la rude traversée et la désagréable arrivée passée au service des douanes, n’a plus qu’une envie : aller se coucher ou quitter Antigua, nous partons nous balader sur Nelson’s Dockyard pour tenter de nous détendre. Il s’agit des anciens quais et bâtiments de la Royal Navy, datant du début du 18ème et réhabilités au milieu des années 1900. Le contraste est fort avec la Guadeloupe puisqu’on débarque sur une île, certes indépendante depuis 30 ans, mais qui reste indéniablement marquée par trois siècles de présence anglaise. On y parle évidemment la langue de Shakespeare et on y roule aussi à gauche. Les véhicules sont de grosses cylindrées, type américain. Tous les habitants sont noirs et franchement « fat ». On déambule un moment sur les quais avant de tomber sur le monde de la démesure. On découvre en effet le quai des maxi yachts, des voiliers de plus de 30 mètres de long. C’est surréaliste, je ne pensais même pas que l’on faisait des voiliers de cette taille ni même, d’ailleurs, que l’on continuait à appeler ça des voiliers. C’est démesure à outrance et compétition. Chacun semble vouloir plus gros, plus beau, plus fou que son voisin de ponton. On voit donc des unités magnifiques, à la pointe de la technologie et aux hauteurs de mat vertigineuses. Je n’arrive pas à me les imaginer sous voiles. On essaie d’estimer la surface d’une grand-voile avec Christian… certainement dans les 1 000 m²…
Remis de nos émotions, on s’arrête au petit supermarché de la marina. Sur caprice du capitaine on y achète de la feta à 6 € la petite boite. Quand on dit que le soleil coûte cher chez nous, ce n’est finalement rien à côté du soleil des tropiques… On découvre aussi la monnaie locale, le dollar caribéen. Inconnu de nos services jusqu’à présent, il est dans les alentours de 1 € pour 3 $ EC.

Mercredi 7 mars : Carlisle Bay

On part au matin pour tenter de trouver un mouillage plus isolé. Très vite, on découvre des plages désertes et magnifiques. Malheureusement, elles sont exposées à la houle et farcies de cayes. Il faut donc poursuivre un peu plus loin. On n’aura pas trop à attendre car après une pointe, on découvre une baie profonde et abritée : Carlisle Bay. Tout au fond a poussé un complexe hôtelier d’appartement de luxe, noyé dans les cocotiers et donnant sur une longue plage. Mais toute la première partie de la baie, côté Est, séparée de la plage par une petite pointe, est restée sauvage. Nous négocions le mouillage désert plutôt que le mouillage face à l’hôtel. On jette l’ancre face à une petite crique et nous retrouvons, de ce côté, seuls.
La plage est bordée de collines verdoyantes que j’ai bien envie d’aller explorer. On met donc le you-you à l’eau pour débarquer rapidement. L’endroit est désert mais nous trouvons tout de même un sentier balisé qui semble longer la côte vers un point plus élevé. La végétation qui, de loin, donnait l’impression d’être luxuriante, est en fait tout à fait différente de celle rencontrée jusque-là. Elle est beaucoup plus sèche, composée essentiellement de plantes grasses et de cactus ! Mais la quantité de variétés différentes nous donne l’impression de se promener dans un véritable jardin botanique. C’est un vrai festival de couleur entre le vert de la végétation, le noir de la roche volcanique et les eaux bleues des Caraïbes.
Nous flânons au milieu des agaves et des aloès quand je vois sortir du sentier une chèvre que Nouky, bien sûr, prend immédiatement en chasse. Il disparait dans la forêt et ne réapparait pas. On l’appelle un long moment, suffisant pour commencer à s’inquiéter. Après une dizaines de minutes à hurler son nom, toujours rien. On commence à se dire qu’on l’a perdu. Je retourne en courant au canot pendant que Laeti part plus en avant sur le chemin. En arrivant au you-you j’aperçois un Nouky tranquillement en train de jouer dans l’eau avec Christian et Marie-Jeanne. J’aurais envie de l’étrangler mais je suis avant tout vraiment soulagé. Ouf… ! Je refais en courant le chemin en sens inverse et retrouve Laetitia. Elle est paniquée, moi essoufflé et nous sommes tous les deux griffés de tous les côtés par notre course folle dans les agaves et les cactus. Après avoir repris esprit et souffle, on continue la ballade. On passe une sorte de col avant de redescendre sur les plages au Sud-Est et devant lesquelles on passait ce matin en bateau. Le reef, sur lequel viennent se casser les vagues du large, longe la plage, créant ainsi une bande turquoise le long du sable. L’eau y est translucide. La plage est magnifique et foulée uniquement par nos seuls pas. On se prend quelques instants pour Robinson et… Juliette (ah non ? je mélange ?).
L’après-midi, on part en expédition visiter le fond de la baie. Malgré l’hôtel, la plage a l’air belle, alors on veut voir ça de plus près. On débarque sur le ponton du complexe, en se demandant un peu si les employés, qui nous regardent d’un drôle d’air, ne vont pas nous dire de dégager. A peine l’annexe attachée qu’un gros grain éclate. Le personnel nous propose gentiment de nous abriter au bar de la plage. Malgré un visage peu souriant, ils sont plutôt sympas, mais l’endroit a l’air de se la jouer « select ». Les gouttes passées, on longe la plage, et on détaille les appartements regroupés en petites villas jumelées, avec, au centre, une large salle de restaurant entièrement ouverte sur la plage. Matelas, parasols, hamacs, serviettes, voitures électriques (type golf), composent le paysage. La seule chose finalement assez étonnante est l’absence de clients. Seuls quelques transats sont occupés. La fin de la partie « private » est symbolisée par trois piquets plantés dans le sable. Juste derrière cette barrière symbolique on découvre, sans aucune transition, un autre monde, le monde réel des Antiguais. On se retrouve au milieu des kazs en bois et en tôle. Un groupe de locaux est en train de commenter une partie de dominos, les mamas cuisinent dans le jardin et des jeunes dansent sur le pas de la porte au son du reggae. Les gens paraissent assez sympas. Ils nous saluent sur notre passage et lancent des « hi », mais ils ont l’air tout de même assez surpris de voir des touristes s’aventurer dans leur monde. Ils habitent pourtant à quelques mètres seulement de l’entrée du resort, mais ne voient habituellement des blancs que derrière les vitres des combis-taxis. On croise quelques rastas que l’on croirait sortis de Kingston : petit sourire irie, peau burinée, barbe blanche, dreads nouées sur la tête ou dépassant d’un large bonnet. Nous nous retrouvons dans une ambiance tout à fait nouvelle. La musique, les gens, la langue anglaise nous éloignent de la culture créole et nous donnent vraiment l’impression d’avoir débarqué en Jamaïque ! Les maisons sont réparties le long d’une petite route étroite. Tout autour les cocotiers cohabitent avec les bananiers et autres essences exotiques. Les grains s’enchaînent et on se prend de bonnes rincées. A l’abri d’un arbre, en attendant que ça passe, je nous regarde et remarque notre allure insolite. Croyant que l’on allait plonger et non marcher, nous sommes en tongue, moi torse nu, Laetitia avec palmes, masques et tubas à la main alors que Christian est en K-way… On marche encore un peu et on aperçoit le centre de l’île, vallonné, qui parait complètement inhabité. Au retour, un type s’arrête et nous met en garde : « N’allez pas vers la gauche, il y a un tas de chiens de combat ! Ils sont à moitié fous et vont attaquer votre chien ! ». Ce n’était de toute façon pas notre route. Nous retournons vers le bateau, contents d’avoir enfin découvert une Antigua plus authentique.

Jeudi 8 mars

On navigue ce matin entre la côte Sud et Middle Reef. Ce récif situé très au large est à fleur d’eau. Il coupe la houle et laisse derrière lui de belles traces turquoise. On croise quelques tortues furtives qui sortent à peine la tête de l’eau pour jeter un œil au cata avant de replonger, et un groupe de dauphins énormes qui viennent jouer un instant à l’étrave avant de continuer leur route. La côte est toujours très belle, alternant plages vierges et hôtels chicos qui se paient l’abusif luxe de squatter les pointes pour être les pieds dans l’eau. Un cadre certainement idyllique pour appâter le client potentiel sur un prospectus, mais disgracieux vu de la mer… Le littoral est très découpé et il faut être vigilant aux nombreux hauts fonds que croise notre route.
A bord, à six, les réserves s’épuisent vite. Il faut donc faire un stop pour le ravitaillement à Jolly Harbour. En regardant la carte on ne sait pas à quoi s’attendre, mais on est émerveillé lorsque d’un coup les étraves fendent une eau turquoise ! Les fonds sont très faibles, de 5 à 6 mètres, même à plus d’un mille des côtes. On navigue dans cette couleur incroyable pendant un long moment. Yes, c’est ça que l’on est venu chercher !
Jolly Harbour est encore un « parc à blancs ». Une belle marina totalement artificielle, avec de nombreux canaux qui desservent des centaines de villas particulières avec pontons privés. Devant les maisons la plupart les bateaux sont hors d’eau sur des ponts électriques. On n’en comprend pas vraiment l’utilité, peut-être pour prévenir d’éventuels dégâts en cas de cyclones ? Il y a très régulièrement des postes de contrôle avec barrières de sécurité. Bref, un endroit tout à fait typique…
Les prix sont justement hors de prix et le choix très restreint. Le supermarché ne semble s’adresser qu’à des personnes allergiques aux produits frais et fans de pizzas surgelées… Nous n’attrapons que quelques bricoles et nous rendons à la caisse. Mais pas de chance, ils n’acceptent pas les euros, nous n’avons pas de dollars et la carte bleue refuse de fonctionner. En deux minutes tout le magasin est en émoi, la sécurité est appelée et nous devons tout ressortir des sacs pendant que l’un d’entre nous part retirer du cash. Décidément l’ambiance à Antigua n’est pas des plus accueillantes… Après la « pause corvée », on se dépêche de retourner sur le bateau pour fuir vers des zones plus sauvages. On retire quelques bords pour rejoindre un mouillage vers le Nord de l’île, à Deep Bay. Cette baie bien abritée se situe juste avant la capitale de Saint John’s. Il faut se méfier de l’entrée car un chalutier est échoué en plein milieu et affleure à peine entre deux vagues. On hallucine complètement car il n’y a aucune balise, rien ! Si on n’avait pas le nez sur le GPS, on irait droit dessus…
On fait quelques pas pour monter au petit fort qui surplombe la plage pour profiter d’un très beau coucher de soleil. C’est notre dernier mouillage à Antigua. Malgré de très belles plages l’ambiance sur l’île ne nous a pas donné envie d’y rester plus. Et puis la route est encore longue jusqu’à Porto Rico. Alors demain nous mettons le cap sur l’île isolée de Barbuda.

Vendredi 9 mars : Mystic Barbuda


On lève l’ancre très tôt pour l’île de Barbuda. On navigue plus de 4 heures au près dans 15 à 20 nœuds de vent et 1 à 2 mètres de houle. Moins sportif que Gwada – Antigua, mais fatiguant tout de même. Barbuda est située à l’écart des routes maritimes empruntées par les navigateurs qui remontent les Antilles. C’est une île toute plate dont le point le plus haut culmine à moins de trente mètres. Elle est entourée par un reef qui rend son accès difficile. Seules quelques passes permettent de pénétrer dans le lagon pour mouiller. A l’intérieur, elle abrite un étang immense qui compose la majeure partie de sa superficie. A cause de l’absence de relief on n’aperçoit l’île qu’au dernier moment. Elle émerge tout d’un coup de la ligne d’horizon et se distingue à peine derrière les vagues qui cassent sur le reef. On n’y aperçoit aucune maison, hôtel ou autre forme de vie. Nous en ressentons une sorte d’ivresse, l’impression d’arriver sur une île déserte qui n’aurait pas encore été découverte…
Je tanne René pour aller mouiller à Spanish Point, la pointe Sud de Barbuda, qui parait très belle et potentiellement windsurfable, mais à l’approche difficile. C’est en effet infesté de cailles. Bizarrement il accepte. En approchant de la côte, on découvre en premier le « Palaster Reef » sur lequel pètent les séries. Ça casse aussi sur la pointe et la passe est difficile à situer. Mais il est midi et il fait clair, on est donc dans de bonnes conditions pour repérer les patates. René décide de naviguer à la « couleur », ce qui se résume en fait à rester au maximum au-dessus du turquoise, signe de fond sableux. Une partie de l’équipage se place donc à l’avant en quête de turquoise et l’autre partie reste à l’arrière les yeux rivés sur le GPS, au cas où… Après avoir slalomé un moment entre les rocks on mouille près du reef dans 2 mètres d’eau parfaitement translucide. Du pont on peut voir clairement toute la chaîne, jusqu’à l’ancre ! C’est sans aucun doute le plus beau mouillage que l’on ait fait depuis que l’on a embarqué. La plage de sable est interminable, complètement déserte, vierge de constructions. Le lagon est d’une couleur « carte postale » qui fait mal aux yeux. On est émerveillé. Du bateau nous pouvons voir le spot. La vague semble vouloir fonctionner même si elle manque certainement de taille, et surtout, il n’y a pas de vent… On laisse donc le board bag où il est et sautons dans l’annexe. On passe une après-midi superbe entre ballade et plongée dans un courant incroyable. Par endroit on fait du sur place même en nageant avec les palmes !

Samedi 10 mars : Codrington

Ce samedi le temps est un peu couvert et la lumière loin d’être aussi spectaculaire qu’hier. On lève l’ancre pour rejoindre « Long Bay ». Après Cocoa Point, on remonte dans le lagon le long de l’interminable plage de sable. Sur toute la longueur, comme seuls signes de vie, on n’y rencontre que deux hôtels, un complètement désaffecté, tout au Sud, à Palmetto Point (gros spot de surf par houle de NNW et windsurfable !), et un en face de Codrington, la « capitale », mais toujours pas de maisons ou même de cases de pêcheurs. L’île semble belle et bien déserte. Il y a de la houle qui vient dans toutes les directions et on ne peut pas mouiller. On remonte donc encore un peu en collant à la plage pour éviter les cailles jusqu’à l’hôtel situé en face de la capitale. Etant donné le temps, on décide de partir à la découverte de la seule et unique ville de Barbuda. Mais celle-ci est située de l’autre côté d’un étang, lui-même séparé de la mer par une étroite langue de sable. On ne peut s’y rendre qu’en bateau-taxi. Pour cela, il faut débarquer sur la plage, et là, composer un des numéros écrits sur de vieilles pancartes en bois, et puis attendre. Ça parait un peu surréaliste d’être là, au milieu de nulle part sur une plage, à attendre un taxi, et nous sommes un peu sceptiques sur sa venue. Pourtant au bout de vingt minutes une sorte de rasta black débarque avec son bateau. Il n’y a pas beaucoup d’activité sur l’île alors il ne faut pas louper les quelques touristes de passage. Il nous taxe tout de même de 40 $ pour l’aller-retour.
 On découvre la capitale de l’île. En fait d’une capitale, c’est plutôt un village car la population totale est de 1 400 âmes… et encore ce doit être en comptant les poules et les chèvres qui se promènent un peu partout. L’île étant rattachée à Antigua, l’anglais y est encore la langue officielle. Au premier coup d’œil l’endroit offre un contraste saisissant ; alors que les habitations sont sommaires et décrépies et les rues en terre, les voitures, elles, sont assez nombreuses et très récentes. On se demande bien ce qu’ils peuvent en faire vu qu’il n’y a aucune route sur l’île !? Il y a aussi une quantité assez hallucinante de réverbères.  La ville a vraiment quelque chose d’irréel, d’anormal. On dirait que l’activité (s’il y en a eu une un jour), s’est arrêtée d’un coup. Tout le monde semble au ralenti. Il n’y a qu’une seule boutique qui propose quelques denrées défraichies et aucun autre commerce. Seule une mama propose sur le bord du chemin quelques objets hétéroclites allant du shampoing au tuper en plastique, mais on se demande bien qui sont ses clients. En fait, la seule activité se concentre autour de quelques gars qui grillent du poulet à un carrefour, le « centre-ville » de Codrington. Nous croisons aussi deux jeunes sur le pas de leur porte qui écoutent du reggae à fond en en faisant profiter la moitié de la ville. Partout des maisons sont inachevées, et beaucoup semblent abandonnées. Intrigués, on va discuter avec un local qui nous explique qu’ici la vie est tranquille. Que ça n’a jamais été très animé en fait… Quand on lui pose la question des moyens de subsistance, il nous parle du tourisme, mais quand on lui fait remarquer que nous sommes les seuls touristes de la ville, il nous répond « ouais, je te l’ai dit, c’est tranquille… ». On reste donc avec nos questions, reçoivent-ils des subventions de la couronne britannique ou d’Antigua par le biais du taxage des maxi-yachts ?
Le lendemain, avant le départ pour Saint Barth prévu à la nuit, on se balade sur la plage de Long Bay, qui porte bien son nom. Le sable n’en finit plus. On a l’impression de pouvoir y marcher jusqu’au pôle Nord sans s’arrêter. On est toujours absolument seuls, et c’est un vrai contraste avec les îles précédentes. Un dernier coin de paradis ? Plus pour longtemps car on découvre un plan de construction de 25 villas de luxe, implantées directement sur le sable, sur pilotis et couvrant presque la moitié de la plage… On est écœurés de voir qu’encore une fois, pour offrir de belles vacances aux milliardaires de la planète, les promoteurs sont prêts à sacrifier les derniers espaces vierges où il est encore possible de se promener toute une journée sans croiser une seule personne ! On espère juste que les habitants de Barbuda, qui jusque-là se sont toujours opposés au massacre de leur île par les bulldozers, rejetteront encore une fois le projet.
Nous quittons l’île en début de nuit pour mettre le cap sur St Barth. Une navigation nocturne qui va nous faire passer, sans transition, de l’isolement le plus total au monde du luxe et des paillettes. Après avoir levé l’ancre, nous nous installons sur le pont pour regarder la côte s’éloigner. De nuit, on aperçoit de Barbuda que la lumière des innombrables lampadaires de Codrington. Le reste de l’île est, lui, plongé dans le noir le plus profond. Pour nous Barbuda restera une escale vraiment à part, dans un lieu complètement coupé du monde et du temps.
On prend le quart de 3 h à 7 h du matin, pas très frais, car on n’a pas vraiment réussi à dormir avant. Le vent souffle entre 10 et 15 nœuds, le bateau est calé entre 5 et 7 nœuds. On est au grand largue et poussés par une mer un peu formée. Avec cette météo le gros de notre mission consiste à ne pas s’endormir à la barre et à éviter les petits bateaux de pêche qui deviennent plus nombreux à l’approche de l’île. A cette allure on met près de 10 heures pour couvrir les 60 milles qui nous séparent de Saint Barth et y arrivons en milieu de matinée.

1 commentaire:

  1. ha bah oui...0 commentaires...c'est à dire que si vous continuez comme ça, vous n'aurez plus d'amis du tout au retour!!! ça va que nous on sait c'que c'est que de naviguer dans des eaux turquoises, avec les dauphins au coucher de soleil,et les pauses snorkelling avec les tortues, alors on n'est pas rancuniers!!! Mais croyez moi, faut faire semblant d'en chier un peu, haha! On vous embrasse bien fort

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