Jeudi
22 mars : Arrivée à Porto Rico
Notre approche de Porto Rico se fait
sous la pluie. Les grains s’enchaînent à une allure inhabituelle pour les
Antilles. La côte se précise peu à peu et on voit apparaître de hautes barres
d’immeubles à l’architecture plus que douteuse. L’ambiance est curieuse. On ne
sait pas si c’est le mauvais temps ou l’atmosphère, mais il y a quelque chose
de pesant. Et l’arrivée à la marina ne lève pas le voile, au contraire, elle
l’obscurcit. Malgré nos multiples appels à la VHF pour demander une place,
personne ne répond. En s’approchant encore un peu plus de la côte on s’aperçoit
qu’il y a en fait deux marinas qui se font face. Toutes deux sont assez petites
et leurs passes sont très étroites. Le capitaine insiste pour y aller alors que
l’équipage est lui beaucoup plus réticent. La manœuvre semble bien compliquée,
surtout sous des trombes d’eau. Sans grande conviction Alain, Laeti et moi nous
plaçons à nos postes pour préparer l’amarrage. On découvre une marina mal
entretenue, avec des pontons déglingués. En dehors du port, il n’y a rien, pas
un commerce ni un loueur de voiture, rien. De plus, les seuls regards que nous
croisons ne nous paraissent pas très amicaux. Oups. On se dit qu’on ne peut pas
rester ici. D’une part, parce ce qu’on n’est pas sûr d’en ressortir entier.
D’autre part, parce que l’on n’aura aucun moyen d’en partir une fois débarqués
du bateau… Heureusement il n’y a pas de place et personne pour nous renseigner.
René réitère quand même l’opération dans le port d’à côté, tout aussi lugubre
et désert. Là encore personne ne nous accueille, et c’est tant mieux. On fait
tout ce que l’on peut pour le dissuader de s’amarrer et il cède enfin. On remet
les moteurs et on se dirige vers ce qui semble être la principale marina du
coin, et surtout la seule que l’on entend communiquer par VHF avec les autres
bateaux : Puerto del Rey.
On longe la côte en slalomant entre
les hauts fonds et les bateaux échoués pour arriver une demi-heure plus tard en
face de la marina. On nous répond à la VHF et on nous indique une place. En
entrant on découvre, avec soulagement, de multiples voiliers, des commerces et
une vraie activité, avec des gens et un vrai quai pour décharger tout notre
attirail. On est rassuré ! Le ciel se dégage légèrement à notre arrivée.
On le prend comme un signe positif, même s’il se rebouche rapidement. On
appelle les « customs » par téléphone. En venant de Charlotte Amalie,
territoire US, il suffit de les appeler. Pas de papiers, pas de visites,
rien ! Finalement, les formalités des îles US étaient celles que nous
craignons le plus alors que tout s’est déroulé facilement. Tant mieux !
C’est déjà la fin de la journée, et il est temps de préparer nos affaires. Demain,
nous quitterons définitivement Shadococo. Laetitia s’occupe des sacs pendant
que je prépare le board bag. Une fois celui-ci bouclé je ne peux pas le laisser
sur le pont car il y serait en porte à faux. Dans cette position, et chargé
comme il l’est, je ne suis pas sûr que la petite Tabou de Laeti, qui se trouve
tout au fond, apprécie cette inconfortable position toute la nuit. Je le dépose
alors sur le trampoline en me faisant un peu le scénario parano, où le bout du
trampoline cède et, comme dans « braquage à l’italienne », le bag
tombe directement au fond du port. Mais comme depuis trois semaines nous
sautons tous dedans à longueur de journée et qu’il y a survécu, il devrait
tenir une nuit de plus. Une fois tout bouclé on ne traîne pas car la journée de
demain va être longue, très longue…
Vendredi
23 mars : Une journée sans fin
On le sait, dans un voyage, il y a
toujours des journées de transition qui sont souvent des journées perdues. On
arrive parfois à y échapper, mais parfois… non. Des fois, elles se déroulent
d’elles-mêmes sans qu’on s’en rende compte, et des fois… non. Aujourd’hui, on
ne peut pas y couper, et on sait déjà que ça devrait être très long. On est à
l’Est de l’île, à côté de Fajardo. Or, la voiture que nous avons réservée se
trouve à la capitale, San Juan, située à une heure de voiture au Nord, et
l’appartement, à Aguadilla, de l’autre côté de l’île, à la pointe Nord-Ouest, à
environ trois heures. Bien sûr, pour aller à San Juan, il n’y a ni bus ni
train. C’est donc soit le taxi, soit le stop. Avec tout notre bazar, la
première solution est hors de prix, la seconde impossible. On se décide donc à
louer une voiture pour… aller chercher notre bagnole de loc ! On est aux US
après tout, alors faisons dans la démesure ! Le programme est donc de
monter à San Juan chercher la voiture, redescendre à deux voitures, poser celle
louée pour l’occasion, remonter à San Juan (il n’y a qu’une seule route
périphérique de l’île) récupérer un mat (j’ai cassé mon 4 m en Gwada…), avant
de rejoindre Aguadilla, de faire des courses et d’emménager. De plus, avant
tout ça, on doit amener (et ramener) René et Alain à un supermarché pour qu’ils
fassent le ravitaillement pour leur trajet de retour. Ce sera notre BA de fin
de séjour. On pense à tout ça à 7 h du matin, accrochés à notre oreiller. Rien
de tel pour donner la motivation de se lever…
C’est parti ! 8 heures ; je
suis à l’ouverture de la (seule) location de voiture de Puerto del Rey (la suivante
se trouvant on ne sait où…). Même coup qu’à Tortola, leur voiture « bon
marché » est encore une super berline Nissan full options… On dépose les
deux compères au supermarché et on revient charger la bagnole. Pour amener tout
notre bazar à la voiture on a heureusement droit au service 4 étoiles de la
marina, à savoir une voiturette électrique, type terrain de golf, avec remorque
et chauffeur. Du coup, on charge tout dessus, bag et chien compris. C’est super
pratique, et ça nous évite des dizaines d’aller-retour sur le quai. Faut dire
qu’ils nous ont fait payer 100 $ la nuit, alors on amortit ! On sangle
tout ça sur le toit, je donne une leçon accélérée de conduite de voiture à
boite automatique à Laeti et on fait un aller-retour avec le supermarché. On se
sépare du capitaine et de son nouveau second. Petite pensée pour eux et leur
retour de quatre jours avec vent et vagues dans le nez… Et on prend la route de
San Juan.
Contrairement à l’Amérique du Sud, on
a cette fois-ci investi dans un GPS. Autant on s’en sort en général avec une
carte dans le pays, autant les capitales donnent souvent lieu à des heures de
perdition totale… San Juan compte deux millions d’habitants mais grâce à notre
Geneviève nationale, nous trouvons, une heure plus tard, notre voiture de loc
pour le séjour. C’est une Nissan, elle aussi, plus petite et plus basique, mais
rutilante. Elle est de 2012 ! Merde, ils ne nous connaissent pas, ils sont
fous ! On vous avait dit la moins chère ! Bon c’est vrai qu’à côté des
pick-ups et 4x4 énormes, type US, elle fait vraiment tâche, mais pour nous,
elle semble vraiment trop… fragile. Nous enchaînons notre périple avec la redescente
à Fajardo avec chacun sa bagnole ! On se suit sur la highway en se marrant
devant une telle situation… ! On dépose la belle Nissan, et re routa 3
vers la capitale pour… la troisième fois de la journée. On trouve, par miracle,
le vendeur du mat. Alors j’explique deux secondes. J’ai cassé (comme
d’habitude…) mon mat de 4 mètres qui me sert pour ma plus grande voile. Or, il
y a de grandes chances que ce soit ma voile principale ici. Donc, pour prévenir
tout risque de me retrouver sans rien en cas de casse de mon second mat, et vu
qu’il n’y a pas de shop sur l’île, juste ce revendeur à San Juan, il fallait le
choper. Il nous a donné rendez-vous sur le parking d’un Burger King. Ah… c’est
très facile car il n’y en a… qu’à chaque coin de rue ! Car ici, il n’y a
pas que les voitures et leurs V8 ou V10 qui sont à la mode US. Tout est à la
façon ricaine. Il y a ainsi des fast foods et shops de bouffe de partout, c’est
ahurissant. Ils semblent d’ailleurs combles quelle que soit l’heure de la
journée. Ce n’est donc pas un mythe, le « trois repas par jour », ils
ne connaissent pas. Le « cinq fruits et légumes par jour » non plus
d’ailleurs. Ainsi, les trois quarts des locaux affichent une taille imposante.
La « fat » attitude. On a l’impression que seuls certains ados ont
une allure normale, en tout cas de standard européen. Dépassé le collège, ça se
gâte…
Quoi qu’il en soit, et alors que j’étais
prêt à renoncer, on tombe sur le fameux Burger King, et le fameux José de Windsurfingpr.com.
Il nous apprend qu’il n’y a plus beaucoup de windsurfeurs à PR, et que les
irréductibles sont plus sur la côte Est, près de la capitale. On risque donc de
se retrouver un peu seuls sur l’eau… On reprend la route de l’Ouest mais,
capitale d’une île densément peuplée (4 millions d’habitants !) oblige, on
se prend, alors qu’il n’est que 16 heures, d’énormes embouteillages sur des dizaines
de kilomètres. On arrive à Aguadilla de nuit, à 21 heures ! On trouve
notre logement au radar, ou plutôt au GPS. Situé dans un quartier
pavillonnaire, à l’américaine, où toutes les maisons se ressemblent, il faudra
tout de même un bon quart d’heure à Geneviève pour trouver la bonne. Chaque
baraque a son petit coin de pelouse et son avaleur de gasoil posé devant.
L’appartement est grand, et c’est à peu près son seul point positif… Prévu pour
quatre, il dispose de deux chambres, donc une qui est vite dévolue au matos. Il
se situe dans une maison de plain-pied, séparée en deux, une partie proprio,
une partie locato. Une partie est pimpante, l’autre est… dans l’état.
C’est-à-dire assez sale et déglinguée. On ne peut même pas se faire des pâtes
car la casserole est complètement défoncée, comme si on s’en était servi de
tambour avec une batte de baseball pour baguette. La poêle elle, n’a plus de
revêtement… Bon on ne paye pas cher, mais faut pas exagérer. Du coup, avec la
super journée et la fatigue accumulée, dans ce superbe appartement, on déprime
un peu. Il faut aller se coucher, demain tout ira mieux.
Dimanche
25 mars : découverte des spots
La seule action de ces deux journées
est de repérer les spots. Bonne nouvelle, on est pile au milieu des deux
meilleurs spots de windsurf de l’île. Shacks est à 10 minutes à l’Est, Surfers
Beach à 5 minutes à l’Ouest. Pour le reste, on accuse le coup de ce mois et
demi à fond et on est complètement crevé. Du coup, c’est grasses matinées et
siestes à rallonge, on en avait besoin !
Mardi
27 mars : Crash Boat
Ce lundi on doit s’occuper de quelques
corvées. Le linge en premier lieu. Bonne surprise pour notre banquier, la
machine automatique ne coûte que 1,50 $. Autre bonne surprise, même si la langue
officielle est l’anglais, la plupart des habitants s’exprime en espagnol !
Dans la rue, tout est écrit en langue hispanique. En fait, la langue de Shakespeare
est surtout parlée par la minorité blanche de l’île et sert pour le
« business ». Les jeunes, eux, alternent sans distinction les deux
langues dans la même phrase et créent ainsi un superbe dialecte appelé
« spanglish ». C’est très moche à entendre mais très pratique pour
nous. Dans une discussion en espagnol, si nous ne connaissons pas un mot nous
pouvons le sortir en anglais, ou inversement, sans que ça ne choque personne.
Pour finir la journée, on décide
d’aller sur la plage de Crash Boat pour se faire un petit bain. La plage est réputée
pour être une des seules plages sans récifs et elle est décrite dans les guides
comme une des plus belles du coin. En arrivant, on découvre malheureusement une
plage plus que quelconque. Peut-être que notre critère plage est monté d’un
cran au cours de ces dernières semaines passées dans les Antilles, mais on
n’est pas emballé. C’est juste une grande plage avec, certes, du sable, mais
aussi une eau trouble et des gens partout. Après un bain rapide, on remballe
tout. On ne peut pas dire que nous ayons pour l’instant un gros coup de cœur
pour Porto Rico. Après les petites îles tranquilles que nous avons visitées,
tout ici nous semble trop grand et trop peuplé. Les routes sont bordées par une
suite sans fin de maisons, de commerces et de fast-food, sans que l’ensemble
n’ait vraiment d’âme. Enfin, nous venons à peine d’arriver et nous avons encore
de nombreuses choses à découvrir…
Mardi on se balade à Shacks, le spot
principal. C’est un endroit assez étonnant. Entourées de verdure, des maisons
individuelles, dont la plupart sont à louer, se sont agglutinées sur un espace
réduit et quasi privatif en bordure de plage, pile sur le spot. La mise à l’eau
est donc bordée de belles résidences avec piscine, accolées les unes aux
autres, alors que sous le vent et au vent, il n’y a absolument rien. La plage
s’étend loin vers l’est et l’ouest, seulement bordée par des cocotiers. Les
fonds sont réputés et on fait l’erreur fatale d’y faire une plongée. Fatale,
car pour un spot de plongée, il vaut en effet le détour. Mais on y est dans une
optique planche, et tout ce qu’on y voit nous effraie au lieu de nous
enchanter. De toutes les plongées effectuées jusque-là dans les caraïbes, on n’avait
jamais vu une telle concentration d’oursins et de coraux. Et niveau épine, il y
en a pour tous les goûts, des noirs, des blancs, petits, énormes, et surtout de
partout. Niveau corail, c’est la même chose. On y observe toutes sortes de
coraux, dont les habituels, mais surtout des corolles, ces têtes en forme de
feuilles allongées qui s’ouvrent comme des pétales géants et dévoilent leurs
griffes acérées juste sous la surface de l’eau. Même en masque et palmes, je me
fais des frayeurs en passant à côté, à cause du courant et du mouvement de
l’océan. On ressort de l’eau dépités, et Laeti me dit direct «je ne naviguerai
jamais là ! ».
Mercredi
28 : première nav’
La houle est annoncée pour demain. On
aimerait se mettre en jambes aujourd’hui et tester un peu le spot, surtout pour
prendre ses repères dans cette forêt de coraux. Comme il n’y a pas d’autre
alternative pour naviguer, Laeti se résout à tenter le coup avec moi. Durant
toute la journée le vent est très light et ce n’est qu’après 15 heures que ça
commence à bouger un peu. On va chercher le matos sans trop grande conviction. Sur
les conseils du seul planchiste présent, on se met à l’eau sous le vent d’une
petite barque rouge en tentant d’éviter les oursins. D’ailleurs, dès que l’on a
de l’eau aux genoux, on ne traîne pas, on saute sur les planches et tant pis
pour les ailerons. Je sors en ligne droite, confiant, et vois surgir sous l’eau
les corolles énormes et effrayantes. J’abats un grand coup pour passer à côté.
Un peu plus loin, rebelote. Finalement, ce n’est pas si mal quand on ne voit
pas le fond. Vive Moulay et l’eau marron ! Je passe la barre sur des œufs,
en essayant de me faire le plus léger possible, ce qui n’est pas une mince
affaire au pays du Donuts. Dehors, surprise : on plane ! C’est bien
on shore, les vagues désordonnées, mais on est quand même à l’eau et au
planning en 5.3 et 4.2 m². Ce n’est pas grandiose mais ça a le mérite de nous
décrisper un tout petit peu. On s’amuse et du coup, on pense moins au corail.
En revenant à la voiture, nous avons
la surprise de trouver un truc énorme et dégueulasse écrasé sur le toit de
notre petite Nissan. Et ce truc a trouvé le moyen de nous enfoncer la
carrosserie. Nous levons les yeux et nous apercevons que nous sommes garés sous
un arbre à pain. Donc le truc bizarre sur le toit est en fait un fruit à pain
éclaté. On savait qu’il ne fallait pas se garer sous les cocotiers, mais on
n’avait pas pensé à ça. On leur avait bien dit qu’elle était trop neuve pour
nous cette voiture…
Les jours qui suivent se ressemblent…
La houle annoncée est belle et bien là, avec des séries à un bon trois mètres.
Mais la vague ne déroule pas très régulièrement. Parfois elle ferme d’un coup,
parfois, elle se laisse plus de temps. Je ne peux m’empêcher de me visualiser
virtuellement dessus : « j’attends, là je pars, je fais un buttom,
tape puis… », mais ça reste virtuel. Je ne peux pas rester indifférent
devant tant de vagues, mais le vent est trop léger. La pression monte. En tout
cas, je me mets une pression de plus en plus forte. Et je transmets la
pression, bien sûr. Laeti est capable d’attendre la session beaucoup plus
calmement que moi, mais là je la rends folle en faisant cinquante aller-retour
Shacks – Surfers Beach. Il faut que ça marche quelque part !
Malheureusement, le compteur kilométrique tourne beaucoup plus que
l’anémomètre. Je fais quand même une tentative à Surfers où la vague, plus
propre, laisse apercevoir une passe de temps en temps. Là encore, malgré une
belle plage de sable, dès que tu t’approches de l’eau, tu t’aperçois que le
spot n’est qu’une immense dalle rocheuse farcie… d’oursins ! Décidément ! Je pars motivé, mais je dois faire demi-tour passées
seulement les premières mousses. Un courant de dingue me décale vers les rocks
et je n’ai pas assez de vent pour passer.
On se rabat sur Shacks et attendons,
attendons, un souffle qui ne viendra pas. Tout le monde est à cran, même Nouky qui
n’en peut plus de ces va-et-vient en voiture. Mort de chaud, il se faufile par
le portillon entre-ouvert de la villa Shacks. Cette villa, comme les autres,
est « les pieds dans l’eau » avec piscine et tout le tralala. Elle se
loue très chère. Ce qui n’émeut pas le moins du monde notre quatre pattes, qui file
droit sur la piscine et s’apprête à s’y jeter, sous l’œil scandalisé des
locataires américains. On le rattrape de justesse, à moitié morts de rire en
voyant leurs têtes. Ils étaient tellement surpris ou outrés, on ne sait pas,
qu’aucun son n’a pu sortir de leur bouche, et ils sont restés tout le temps
qu’on le récupère avec la bouche ouverte. Pendant ce temps, des enfoirés de
kiteux se gavent sous nos yeux. C’est à peine croyable, il n’y a pas un
souffle, mais ils avancent tranquillement, passent les barres sans forcer et
surfent comme des fous, en tout cas pour les deux meilleurs. Ça m’énerve
vraiment au point de me donner envie ! Tu crois qu’il faudrait
s’intéresser de plus près à ce bazar de kite ? En tout cas, au bout de
deux jours de ce frustrant spectacle, on jette l’éponge.
Samedi
31 mars : deuxième nav à shacks
Deux jours complets à attendre le vent,
en regardant les vagues dérouler avec des gars accrochés à leurs lignes
enchaîner les rollers, ça énerve. Ce matin, le vent semble vouloir souffler un
peu plus fort. Mais, bien sûr, les vagues ont bien diminué. A Shacks, les
kiteux sont toujours au taquet, et ça moutonne un peu. On décide de tenter
notre chance, au moins pour être à l’eau et avoir le sentiment que nous sommes
également des joueurs de vagues, et pas simplement des spectateurs. La mise à
l’eau est délicate. Je dois attendre un moment avant d’avoir une rafale pour me
sortir de la plage. Les premiers bords sont vraiment mous, mais heureusement
pour nous, un grain arrive tout doucement et fait monter progressivement le
vent. On se retrouve vite au planning, ça fait du bien ! On prend même
quelques vagues, qui sortent d’on ne sait où, mais qui nous permettent enfin de
nous faire plaisir. Du coup, je veux en profiter un max même si le grain se
rapproche, ce qui me vaudra une petite natation, heureusement dans le channel
du bas de la plage.
On finit la journée au « Ola’s
Lola », le petit bar de Shacks, où on boit un coup avec Yorgen, le seul
autre windsurfer. Il parle très bien le français car il habite depuis seize ans
à Paris. Très sympa, on blague un moment avec lui et la tenancière, dans un
triple registre linguistique, français, anglais et espagnol. Elle nous sort
même du ceviche, ce qui nous rappelle de très bons souvenirs gustatifs.
Dimanche
1 avril : El viejo San Juan
Aujourd’hui, comme la météo n’annonce
rien, on en profite pour aller visiter l’île. Nous choisissons d’aller explorer
le vieux San Juan. Depuis notre départ, nous n’avons pas vraiment eu l’occasion
de visiter de vraies villes puisque la plupart des îles parcourues n’en
possédaient pas. Ça ne nous a d’ailleurs pas manqué… Mais la vieille ville de
San Juan a la réputation d’être très typique et de posséder de nombreuses
constructions datant du temps de la colonisation. D’après notre guide, sa
visite est un véritable voyage dans le temps. On prend donc la route de l’Est
pour parcourir la centaine de kilomètres qui nous sépare de San Juan. Nous
avions choisi d’aller aujourd’hui, dimanche, à la capitale, afin d’éviter les
bouchons monstres inévitables à son approche. Mais malgré l’absence
d’embouteillages, nous n’arrivons que deux bonnes heures plus tard. Il faut
décidément se faire une raison ; à Porto Rico, rouler prend énormément de
temps !
La vieille ville est assez peu
étendue, au regard de la superficie qu’occupent aujourd’hui San Juan, et les
deux millions de portoricains qui y habitent. Noyés dans le flot ininterrompu
de voitures, nous trouvons, par miracle, une place dans une petite rue. On
commence la visite en se laissant porter dans les ruelles, sans but précis.
C’est souvent comme ça que l’on découvre le mieux les villes, en allant au gré
de nos envies plutôt qu’en suivant assidument les conseils du guide. Du coup,
on ne sait pas toujours où l’on est, mais on atterri souvent dans des endroits
insolites. La vieille ville a effectivement gardé son charme d’antan. Dans les
ruelles, nous marchons sur de beaux pavés aux reflets bleutés. Leur pose est
régulière mais la chaussée est déformée par les siècles. Plus de cinq cents ans
ont passé depuis le moment où ils ont été posés. Les rues sont bordées de
petites maisons toutes colorées, ornées de balcons aux rambardes travaillées. Nos
pas nous mènent vers une petite place où de nombreux portoricains profitent de
leur dimanche. Les plus âgés s’affrontent dans des parties de dominos,
supportés par les plus jeunes qui arrosent leurs commentaires à coup de bière
locale. Un peu plus loin, un orchestre donne la cadence à des couples amoureux
de salsa. La plupart semble pratiquer ces pas depuis pas mal de décennies déjà,
mais ils gardent une allure fière et semblent infatigables. Certains font le
spectacle de leurs pas étudiés alors que d’autres sont là avant tout pour
passer un bon moment. Comme une bande de vieux potes ils blaguent à chaque
pause. Autour des danseurs, de nombreux spectateurs ont apporté leurs chaises
pliantes et leurs glacières. Ils observent en silence, papotent avec leurs
voisins ou somnolent bercés par la musique.
L’après-midi est déjà bien entamée et
nos estomacs commencent à se manifester. On se met donc en quête de quelque
chose à manger qui soit, si possible, un peu typique. Derrière une petite vitrine
très simple, sans aucune lumière, fioriture ou inscription, on aperçoit
quelques pâtisseries. La tonne de crème qui déborde des viennoiseries me met
l’eau à la bouche et on décide de pousser la porte. Une fois à l’intérieur, on
découvre, ébahis, une grande salle toute en longueur remplie de monde et de
bruit. Les serveurs s’agitent entre de nombreuses tables et un comptoir qui
semble ne jamais finir où se trouve une rangée de clients sur des tabourets.
L’endroit nous rappelle instantanément les vieilles trattorias italiennes. A
voir le monde qui attend une place dans l’entrée, on ne peut pas s’y tromper, c’est
bien le rendez-vous des habitués, une bonne adresse donc. Seul hic, quand vient
notre tour d’avoir une table, la serveuse regarde Nouky et nous annonce que, même
s’il est vraiment très très mignon, elle est désolée mais ne peut nous laisser
rentrer. La même scène va malheureusement se reproduire dans trois restos, et
comme on ne se résout pas à attacher notre bestiole sur le trottoir pendant
qu’on mange, on est obligé de se rabattre sur le seul endroit qui nous
accepte : le Burger King. Tant pis pour les mofongos et autres spécialités,
et allez pour un gros burger pas dépaysant du tout.
Après le déjeuner, nous continuons à
déambuler dans le centre historique. On arrive à l’extrémité de la vieille
ville sur une promenade qui longe la mer, et l’on découvre que « el
viejo » est en fait une espèce de péninsule ceinturée de hauts remparts
aux pierres sombres, qui contrastent magnifiquement avec le vert de la végétation
attenante. A la pointe, se trouve le fort principal entouré d’une grande
esplanade de pelouse. Celle-ci est assiégée par les portoricains qui viennent y
faire voler des cerfs-volants ! La plupart sont de fabrication maison mais
l’esthétique ne semble pas être le souci principal de leur fabriquant. Ce qui
parait important c’est la longueur de fil qui leur permet de faire voler leur
cerf-volant à des hauteurs incroyables. Et tous, quel que soit l’âge, font
voler leur bout de plastique avec beaucoup de sérieux. Ici, pas question de
freestyle, uniquement du cruising pendant des heures : un véritable vol
d’endurance.
Lundi
2 avril : El Cabo Rojo
En ce début de semaine, comme la météo
est toujours consternante niveau vent, on décide de continuer sur notre lancée
touristique. Après un coup d’œil à la carte, on opte pour la pointe Sud-Ouest
de l’île mais en passant par l’intérieur. On a repéré une petite route sympa
qui se faufile dans les terres en passant par un lac. Elle doit nous faire
déboucher sur la côte sud, à Guanica. A Quebradillas, on quitte donc la route
principale, cet axe unique qui fait le tour de l’île, et on prend les routes
secondaires. A mesure que la route rétrécit, les habitations se font de plus en
plus rares. La végétation est toujours bien verte et abondante. Le relief
s’amplifie peu à peu et on se retrouve dans les Mogotes. Ce sont des formations
géologiques bien particulières qui recouvrent la quasi-totalité de l’intérieur
de l’île. Comparables aux « Grands Fonds » de Guadeloupe, il s’agit
de collines d’une petite centaine de mètres, très proches les unes des autres,
pointues et très abruptes. La terre semble ainsi recouverte par une multitude
de picots. On y découvre des plantations de bananes, pour l’instant la première
production locale que l’on ait pu observer. On se demandait s’il y en avait,
étant donné que tout ce que l’on achète est étiqueté « US ». La route
devient de plus en plus sinueuse et de plus en plus étroite. On ne se croise
pas à deux voitures, et on n’arrive pas à garder le volant une seule fraction
de seconde droit. Un virage en cache un autre, et ainsi de suite. Ça monte, ça
descend, ça remonte. On roule à une vitesse n’excédant pas les vingt kilomètres
à l’heure. Ce qui était amusant jusque-là commence à l’être de moins en moins.
Au bout de deux heures à ce rythme, je craque. On n’a à peine dépassé la moitié
de la route ! Je passe la main à mon copilote après une rapide pause
déjeuner, mais Laetitia montre elle aussi assez vite des signes de fatigue.
Donnez-nous un péage, on est prêt à payer, mais « por favor », une
autoroute ! Notre appel n’est évidemment pas entendu et il nous faudra un
peu plus de trois heures pour rejoindre Guanica, au sud de l’île, située a à
peine soixante kilomètres à vol d’oiseau de notre point de départ !
Ouf, voici enfin la mer et une route
plate et droite ! On prend la direction de la Dry Forest, une des seules
forêts sèches en zone tropicale du monde. Classée par l’Unesco et vantée par
notre guide touristique, on est très intrigué par cet endroit. Qu’est-ce donc
qu’une forêt sèche en milieu tropical ? Pour accéder au parc on emprunte
un petite route (encore une) que borde une végétation beaucoup plus sèche et
basse. Les arbres ressemblent davantage à des arbustes et leurs feuilles ne
sont plus grasses et d’un vert éclatant, mais petites et plutôt grises. On y
observe même des cactus. En fait, cette végétation n’a en soit rien
d’extraordinaire, mais c’est la rapidité à laquelle, en quelques kilomètres
seulement, on passe d’une jungle luxuriante à une végétation sèche et
rabougrie, qui fait l’intérêt du parc. Au bout de la route, on débouche sur ce
qui est censé être le centre d’accueil de la réserve. L’endroit est désertique.
Il y a seulement une petite guérite d’où semble provenir la voix de la seule
présence humaine des lieux. A l’intérieur, le « garde » est en grande
conversation téléphonique, les pieds sur le bureau. Il semble débordé. Après
quelques minutes, il consent quand même à répondre à nos questions entre deux
répliques à son interlocuteur, sans toutefois raccrocher. Il nous apprend que
oui, tout le parc est constitué de la même végétation que celle que nous avons
traversée en voiture et qu’il y a quelques chemins de randonnée. On lui demande
quel est l’endroit le plus beau. Sans grande conviction, il nous montre sur le
plan une zone où il y aurait de nombreux cactus ! Mais même lui ne semble
pas très enthousiaste. Après ces précieux conseils, il nous fait quand même
signer un registre de passage, pour justifier de son salaire, avant de
replonger dans sa conversation. On sort de la guérite encore moins motivé qu’en
y entrant. Il fait très chaud, on sort de trois heures de route assez
éprouvante et les cactus, on connaît. A l’unanimité, nous votons donc tous les
trois pour un bon bain sur la première plage venue.
Après une bonne baignade
rafraichissante, on est de nouveau d’attaque pour partir à la découverte du
Cabo Rojo. Ce cap surplombé d’un phare, est à l’extrémité Sud-Ouest de l’île.
Il est considéré comme un incontournable de la région. Les guides touristiques
sont dithyrambiques sur l’endroit, rencontre, je cite, « des eaux
des Caraïbes et de l’Atlantique, qui donne des impressions de bout du monde,
entouré des plus belles plages de Porto Rico, dont une, merveille des
merveilles, à voir absolument, avec l’eau la plus turquoise qui soit et d’où l’on
peut assister au plus beau des couchers de soleil ». Ouf, j’ai fini. En
lisant ces lignes on ne peut qu’être intéressé. En tout cas, cela stimule notre
imaginaire et nous bavons devant la perspective d’un bain dans une eau magique.
Arrivés sur place, pour se croire au bout du monde, il faudrait d’abord faire
abstraction du vacarme musical des portoricains qui ont investi la place. On
découvre ensuite un phare perché sur des falaises léchées par les eaux, sur
lesquelles se dandinent de hautes herbes poussées par le vent. L’endroit est joli,
mais pas extraordinaire. Les plages, quant à elles, sont loin d’être à la hauteur
de notre attente après lecture du guide. Enfin, elles possèdent tout de même un
atout majeur : elles sont de sable, même dans l’eau ce qui, à Porto Rico,
est assez rare. Je veux dire qu’ici il n’y a pas de surprise au moment d’aller
se baigner du genre corail, rochers en tout genre et oursins. Mais on se dit tout
de même qu’il y a un sérieux problème avec notre guide. Soit il s’agissait du
premier voyage de l’auteur, qui de surcroit devait venir d’une contrée très
moche et très éloignée de la mer, soit les semaines précédentes de vadrouille
dans les Antilles nous ont donné à voir de si belles choses que l’on en devient
difficile. On profite quand même du coin pour se faire une longue ballade sur
les falaises. Pour l’instant, même si Porto Rico ne nous parait pas être la
plus belle île des Caraïbes, on n’en est quand même pas pour autant blasé, et
on compte bien fouiller plus loin que ne l’a fait notre guide pour découvrir
les merveilles qui s’y cachent.
Mardi
3 avril : Rincon
Ce matin, après les deux dernières
journées de voiture épuisantes, on décide de se la jouer plus cool et on se
fixe un objectif de visite bien moins ambitieux que la veille : Rincon.
Tout près d’Aguadilla, Rincon est le haut lieu du surf à Porto Rico. La ville
est remplie de surfeurs de décembre à avril et vit au rythme des entrées de
swell. On a donc envie de s’immerger un peu dans un endroit à l’esprit glisse
en allant se boire un coup sur le spot de Santa Maria. La journée s’annonce donc
tranquille, et pourtant, je ne sais par quelle traitrise de mon esprit, je me
mets, entre deux tartines, à penser à quelque chose qui par association d’idées
me ramène à ma classe de CP de Cotignac que j’ai eu de septembre à fin janvier,
avant de partir. Je me visualise devant les élèves et là horreur, rien que
cette pensée m’est insupportable. Pour me libérer, je me confie à Laetitia
« Ouah, tu sais je ne me vois vraiment pas reprendre le boulot en
septembre » et elle, qui par on ne sait quelle alchimie télépathique, de
me répondre du tac au tac, montrant qu’elle pensait à cette situation également,
« Je sais, on aurait du prendre un an ! ». Aïe, ça promet… On élude
tous les deux très vite la question pour retrouver nos préoccupations du jour.
On part pour Rincon et là encore, il
nous faudra bien une bonne heure et demie pour faire trente kilomètres. Certes,
par les petites routes, mais quand même ! Arrivés à la capitale du surf, à
la place d’un village de surfeurs à l’ambiance fun et tranquille, on découvre
une ville sans charme. Il y a plus d’activités et de shops sur la seule plage du
spot de Jobos, à Isabela, que dans tout Rincon réuni. On se boit un coup sur la
plage de Maria’s, très connue pour ses vagues massives, avant de reprendre la
route pour Aguadilla.
Samedi
7 avril : Parque estatal de Toro Negro
Les jours passent et se ressemblent…
Le vent est toujours faible et les trajets très longs. Résultat : on fait
une pause dans nos visites pour faire un peu d’administratif. C’est-à-dire de
l’internet pour gérer le reste du voyage. Car il faut l’admettre, on n’a pas
choisi un programme très simple. Voyager avec un bordel pas possible et un chien,
en se déplaçant uniquement par voie terrestre ou maritime, et en voulant faire
cinquante destinations… ça n’est vraiment pas un voyage que l’on peut faire au
jour le jour. Il faut au contraire toujours anticiper sur l’étape suivante et
s’organiser un minimum. Sinon c’est prendre le risque de rester bloqué quelque
part et de ne plus pouvoir poursuivre notre périple. C’est pourquoi nos
journées administratives peuvent parfois se transformer en gros coup de flippe
quand on ne trouve pas sur la toile ce que l’on y cherchait. Le projet était
donc un peu audacieux, mais maintenant on est dedans, alors il faut avancer. Et
certes on a régulièrement des coups de stress, et souvent l’impression de
devoir déplacer des montagnes, mais on arrive quand même à réaliser des trucs
incroyables. Pour preuve, on est arrivé jusqu’à Porto Rico, c’est déjà pas
mal !
Donc l’administratif dans l’immédiat
c’est : comment quitter Porto Rico et aller en Floride, à quelques 900
milles d’ici (1 700 kilomètres), et comment rentrer en France à la fin du
trip depuis les USA. Au premier problème, on a une piste : Jean, un
français « rencontré » sur une bourse aux équipiers qui recherche un
équipage pour convoyer son cata de 47 pieds en Floride. Ce n’est pas
complètement « booké » car il doit encore négocier la durée de ses
vacances. Or la route est longue, et un cata, même de cette taille, navigue à
une moyenne de six nœuds. Il nous faudrait environ 150 heures pour rallier la
côte US, soit exactement sept jours, en navigant nuit et jour, et en ligne
droite ! Un rythme difficile à tenir pour nous, qui implique de nombreux
quarts et peu d’heures de sommeil, et pour le moussaillon, qui réclame de faire
escale une fois par jour pour laisser son odeur sur de nouveaux territoires. De
plus, Jean veut absolument passer par Cuba, ce qui rallonge pas mal la route et
complique singulièrement les démarches, les ricains n’étant pas très copains avec
les cubains. Avec l’embargo, il est du plus mauvais effet de passer par Cuba en
venant ou en allant vers les US… On lui soumet donc une autre route, plus
directe, via les Turks and Caïcos et les Bahamas. Malgré toutes ces incertitudes,
le gars s’annonce, après quelques discussions sur Skype, très sympa et on n’a
pour l’instant pas d’autre option…
Pour le second problème, le retour
vers la France, ce n’est pas évident non plus. Les lignes de cargo acceptant
les passagers ne sont pas légion et, en général, il n’y a pas plus d’un départ
par mois. Les dates ne sont donc pas compatibles, souvent trop tôt, ou trop
tard. On a bien sûr longuement réfléchi à l’option « on zappe la rentrée
scolaire », mais on soupçonne, on ne sait pourquoi, que cela créerait de
l’incompréhension, voire de l’animosité. De plus, en tant que remplaçants, nous
avons une réunion de rentrée à l’inspection qu’il ne faut pas louper, sous
peine de se voir attribuer en douce un poste bien pourri à l’année… Après de
multiples déboires, on semble être dans une impasse. Ce n’est qu’en ouvrant nos
recherches par le biais d’agences étrangères que l’on débusque enfin la ligne
convoitée ; ce sera un Chester (Philadelphie) – Antwerp (Anvers), départ
aux environs du 14 août. Bien sûr, Anvers n’est pas Lorgues et il nous reste à
trouver une solution pour descendre, nous et notre barda, jusqu’à la maison. De
plus, le cargo n’accepte pas les chiens. Il faut donc également trouver une
solution pour Nouky. Mais ça se précise quand même et c’est plus reposant !
En plus, ça nous donnera l’occasion de passer quelques jours à New York
(Noouuuu Yiorqueeee, ta là là là là là là là là là…).
Pour se détendre de ces longues heures
de prise de tête et aller se dégourdir les jambes, on tente une escapade au
centre de l’île, dans le parc « Toro Negro » qui nous semble être un
objectif moins ambitieux, niveau distance, que « El Yunque », l’autre
grand parc de Puerto Rico situé lui de l’autre côté de l’île. Cette fois-ci on
prend garde de ne pas couper en ligne droite par les petites routes, et on
garde la route principale jusqu’à la 10 qui traverse l’île en direction de
Ponce. Les premiers kilomètres sont exaltants car on traverse enfin l’intérieur
sur une route digne de ce nom, et on apprécie une fois de plus ce paysage
surprenant composé de « mogotes ». Malheureusement, on déchante assez
vite puisque la belle route n’est pas terminée jusqu’au bout, et que l’on se
retrouve de nouveau invité à emprunter les routes secondaires. Donc rebelote,
goudron étroit et sinueux, qui monte et qui descend. J’avais pourtant dit qu’on
ne m’y reprendrait pas… Il ne faut jamais dire jamais disait le singe…
Entre deux virages, Laeti a un instant
de lucidité en rappelant que nous sommes en Avril et qu’il serait peut-être
temps de s’occuper de notre mouvement. Le mouvement, pour des instits, c’est le
moment de l’année où l’on doit rentrer dans un ordinateur les vœux d’écoles que
l’on rêverait d’avoir (enfin, rêverait… disons ceux qui nous dérangeraient le
moins à partir du moment où l’on doit bosser…). Et ce truc-là se fait
habituellement entre fin Mars et début Avril. Etant le sept, il serait
peut-être temps de s’en occuper… Mais il faut reconnaître que depuis Porto
Rico, toutes ces histoires d’écoles nous semblent bien loin et complètement
abstraites. Nous chassons donc ces idées néfastes au plaisir pour se reconcentrer
sur le paysage environnant.
Au bout de cent bornes et presque
trois heures de route, sic…, on touche au but. On se gare sur le parking du
parc où on se fait accueillir par une bonne rincée qui, sur le moment, nous
fait nous interroger lourdement sur l’intérêt de toute cette route.
Heureusement, les nuages se dissipent assez vite et avec eux nos
interrogations. Je vais à la cabane des gardiens du parc pour voir si l’on peut
se balader avec le chien et ne trouve que porte close. Tant mieux pour Nouky.
Des plans très sommaires sont quand même à disposition. J’en attrape un et
repère un sentier menant à un point de vue. On commence donc notre marche sans
plus attendre. Le sentier s’enfonce dans la forêt tropicale où prédominent
nettement différentes variétés de palmiers. De nombreuses fougères géantes
enrichissent aussi le paysage et des grands arbres, aux troncs bien droits,
vont chercher le soleil si haut qu’ils ne font leurs premières branches qu’à
une quinzaine de mètres du sol. Il y a également d’énormes bouquets de bambous
géants. La balade est vraiment agréable. On apprécie le contraste avec la côte
et on profite à fond de cette bouffée de verdure. Par contre, on est assez stupéfait
de l’état du chemin. Les infrastructures du parc semblent, en effet,
complètement laissées à l’abandon, sans entretien. Le sentier, comme les rares
panneaux qui subsistent, est recouvert de mousse. Des passages sont écroulés,
des barrières cassées… Les autorités portoricaines ne semblent pas tellement
investies dans la mise en valeur de leur patrimoine, en tout cas, dans la
partie intérieure du territoire. Mais ceci s’explique peut-être par le peu
d’intérêt que montrent les portoricains pour la randonnée. Nous ne croiserons
qu’un seul couple de randonneurs durant toute notre ballade. Mais on se faisait
aussi le même constat pour la route « panoramique » qui traverse
l’île et qui, malgré son nom, n’a pas eu la chance de se voir aménager un seul
point de vue, parking ou panneau touristique…
Peu importe, on est là pour marcher et
profiter du calme de la forêt. Sauf que nous sommes à Porto Rico, et que le
silence est quelque chose qui n’existe pas ici. Ainsi, on commence à entendre
de la musique dont le volume s’élève au fur et à mesure de notre ascension. On
n’y croit pas, on a l’impression d’être au milieu de nulle part, on n’a pas
croisé d’être vivant depuis la route, mais il y a pourtant bien un vacarme inapproprié
pour une forêt. Au bout d’un quart d’heure de marche, telle n’est pas notre
surprise lorsque nous tombons sur un groupe de portoricains venus en voiture par
une autre route. Ils sont en train de préparer un barbecue géant en écoutant de
la musique à tue-tête. Ils sont super équipés, la grille est immense et la
viande à profusion. Le volume de la musique est par contre tellement élevé que
l’on n’arrive même pas à se parler…
Nous sommes là devant une des
activités favorites des portoricains. S’ils ne sont pas très fans de
randonnées, ils sont en revanche complètement accros aux rassemblements qui, à
toute heure du jour, leur permettent de boire et manger, si possible avec de la
musique très forte et si possible leur fameux reggaeton. On est à chaque fois
surpris de voir les campements qu’ils sont capables de monter sur la plage. Ils
envahissent les lieux avec toute la famille, des premières aux dernières
générations, avec parasols, glacières, tentes, chaises pliantes en sac à dos et
une quantité hallucinante de choses à manger. Le summum de leurs installations
étant le petit plateau flottant qui leur permet de concilier trois de leurs
activités préférées : barboter, boire et manger. Et bien sûr, ils adorent
s’installer le plus près possible du voisin. Pour ça, on peut dire que les
portoricains ont le sens du contact. Une fois, au début de notre séjour dans
l’île, nous sommes allés nous baigner sur une plage pas loin de la maison. En
arrivant, nous avons vu une partie de la plage complètement vide alors que
l’autre partie était bondée. Ne connaissant pas le coin, et surtout les locaux,
nous avons imaginé qu’il y avait peut-être un danger quelconque du côté
désertique. Maintenant que nous connaissons mieux les portoricains, nous avons
compris. Si personne ne s’était installé de ce côté, c’est justement parce
qu’il n’y avait personne ! Une autre fois, nous étions en train de nager
quand on a vu arriver une horde de gens. On les a vus s’installer
tranquillement autour de nos affaires comme si elles n’étaient pas là. Du coup,
en sortant de l’eau, il a fallu contourner leurs chaises longues et enjamber
leurs serviettes pour attraper nos sacs. Nous nous sommes retrouvés ainsi entre
la grand-mère et les petits enfants, ne sachant pas trop quoi faire. Un peu mal
à l’aise au milieu de leur famille nous décidons de déguerpir. Et là, avec un
air vraiment surpris, ils nous demandent : « Ben, vous
partez ? ».
A Toro Negro, étant donc dans
l’incapacité de se comprendre dans ce vacarme, on ne traîne pas trop et on
continue notre ballade pour aboutir à la tour, le point de vue du parc. On est
malheureusement complètement cerné par la brume. La visibilité est très
réduite. On ne distingue que très furtivement, et par intermittence, les deux
versants de l’île. C’est dommage car la vue avait l’air sublime, mais cette
brume qui tombe sur la forêt crée malgré tout une belle ambiance. Sur le chemin
du retour me vient une idée à priori insensée ; perdu pour perdu, on va
rentrer par le côté Sud de l’île ! Même si ça rallonge kilométriquement
parlant, on rattrapera plus vite que par le Nord une route viable…
En rentrant le soir, on s’accorde
quelques minutes de retour à la réalité pour s’occuper de notre fameux
mouvement et on s’aperçoit qu’il était effectivement temps de s’y intéresser
puisque ce dernier ferme… le lendemain.
Lundi
9 avril : San Juan
Aujourd’hui est un jour décisif pour
nous… On avoue, on craque ! Pas assez de vent pour la planche mais assez
pour nous narguer, trop de route pour faire du tourisme… On se met au
Kite ! On a pris rendez-vous avec une école de San Juan pour commencer cet
après-midi. Alors oui, c’est un choc pour certains, mais pour nous aussi. On ne
peut pas dire que l’idée ne nous avait jamais traversé l’esprit. Elle s’est
même incrustée au fur et à mesure de nos trips, pendant les (trop nombreuses)
sessions loupées, à regarder ces pantins se faire plaisir. Alors là, à Porto
Rico, les journées passées devant les kiteux qui déchiraient des vagues
sublimes ont été les journées de trop. On a longuement réfléchi à la chose,
peser le pour comme le contre et, finalement, on est arrivé à l’évidence que
cela ne posait pas de réel problème ! On n’arrête pas le windsurf, le plus
beau sport du monde, on essaie au contraire de découvrir un nouveau jouet qui
se sert des deux mêmes éléments, la mer et le vent. Pourquoi s’en priver ?
De même qu’à la neige, pourquoi faire une session moyenne en snowboard quand on
peut se gaver en ski, et inversement ? Voilà pour les belles théories,
mais intérieurement on n’est pas fier, car il subsiste un doute double. D’une
part, la sensation de trahir notre fabuleux sport, même si les arguments
avancés plus haut doivent nous enlever toute réserve. D’autre part, le
sentiment de « hé les mi-temps, les trips, la planche, le ski, le snow, le
vtt, le cheval… et maintenant le kite, vous n’abusez pas un peu là… ? ».
On essaie de combattre cette petite voix du mieux que l’on peut en lui
rappelant qu’après tout on ne vit qu’une fois, alors autant en profiter !!
C’est sur ces réflexions que l’on arrive
à San Juan et que, d’un coup, se mettent à tomber des trombes d’eau. Il se met
à pleuvoir sans discontinuer et, bien sûr, il n’y a pas de vent. Il est
impossible d’envisager toute activité avec ce temps. On prend la route du
retour et nos réserves prennent une autre dimension « Est-ce Éole, notre
dieu suprême, qui nous envoie un signe ? ».
Mardi
17 avril : le kite…
Les jours suivants la météo est plus
favorable et, même s’il y a encore des grains, nous pouvons malgré tout
commencer notre formation de pilote. Pourquoi pilote ? Parce que ça
arrache ! J’avoue que j’étais un peu trop confiant « Bah, ça a l’air
facile, venant de la planche… aucun souci… ». Et bien non ! La
planche, excepté pour les notions de vent, n’aide en rien. Pire, ça te donne de
mauvaises habitudes, comme celle de prendre la barre pour un wish et de tirer
dessus, ce qui conduit inévitablement à faire tomber le kite dans l’eau. De
toute façon, le vocabulaire est clair ; on ne parle pas de voile, mais
d’aile ! Vocabulaire différent rime avec comportement différent et
puissance différente. Après le premier jour théorique, on a droit à la fameuse
séance de body drag où on dirige le kite en se faisant trainer dans l’eau, sans
planche. Tu prends vite conscience que la bête a du répondant, même par un petit
force 4. En pleine puissance, ça arrache vraiment, dans toutes les subtilités
du terme. Puis, on passe à la planche, et là, je me fais ramasser deux ou trois
fois avant de monter dessus, alors que Laeti part à fond à la première tentative.
Le mono hallucine même en me disant « Ouah pour le ride, elle a un style
parfait, bon pour l’aile… il faut bosser encore un peu par contre… ». On
arrête là pour les cours. On aurait bien continué encore un peu, mais le
compteur tourne. On a négocié un pack cours + matos et sommes arrivés au terme
de notre formation. On ressort de ces quelques heures avec peu de notions et
très peu de pratique, juste l’essentiel, du moins on l’espère…
Mais alerte ! Le vent semble,
enfin, vouloir souffler sur Porto Rico. Pour la fin de la semaine, Windguru
annonce entre vingt et vingt-cinq nœuds, ce qu’il n’avait jamais prédit
jusqu’alors ! Trois jours ventés, accompagnés, cerise sur le gâteau, d’une
bonne houle. On met donc de côté nos tentatives « ailées » pour se remettre
en mode windsurf. Le vent se lève le samedi, mais il est très on shore sur
Shacks. On se rabat donc sur Surfer’s Beach. Malgré le vent « fort »
d’annoncé, on sort quand même les grandes toiles, et il ne faut pas moins. De
la plage c’était très engageant mais une fois sur l’eau le vent est mal
orienté, trop on shore, et les vagues pètent dans tous les sens. Après une
petite session, le ciel s’obscurcit et un grain s’annonce au vent du spot. A
peine le temps de rentrer que la pluie arrive et que le vent tombe. Ce n’était
donc qu’une mise en bouche puisque les choses sérieuses devraient débuter
demain, dimanche.
Sauf que, ironie du sort, je me lève,
ou plutôt je ne me lève pas, à cause d’une espèce de crève qui m’a terrassé.
Impossible de faire quoi que ce soit, je suis anéanti, bon à rien. Ce n’est pas
possible, les seules vraies conditions du séjour et je suis cloué au lit !
Je me traîne toute la journée en écoutant les rafales de vent, dont seuls les
palmiers devant la maison profitent… Le lendemain, j’arrive à me hisser dans la
voiture pour aller voir les conditions à Shacks. Cette fois, le vent parait
bien établi, mais il n’y a personne à l’eau. Les vagues ferment d’un coup, ne
laissant aucun passage pour franchir la barre, et la marée basse fait découvrir
le reef à fleur d’eau… Le jour suivant, Laeti fait une tentative, toujours à
Shacks, et toujours seule à l’eau. Cette fois la houle est mieux orientée mais
c’est le vent qui est trop léger… Décidemment, Porto Rico n’est pas la
destination la plus simple pour la planche, c’est donc qu’il fallait se mettre
au kite ?
Vendredi
18 avril : Ocean Park, San Juan
Le vent est redevenu léger, et il n’y
a plus aucun espoir de faire du windsurf. On se rabat donc sur notre nouvelle
activité. Aujourd’hui, c’est le vrai test. C’est notre première journée sans
moniteur. Déjà, sur la plage, on n’est pas très à l’aise. Le pack nous a permis
d’avoir notre propre matos alors qu’on ne se sent vraiment pas kiteur. Et puis,
c’est perturbant. D’un côté, tout est comme d’habitude. Il y a du vent, on est
sur la plage et on s’apprête à rider. Mais d’un autre côté, rien n’est pareil.
Dans nos mains, on n’a pas tout notre bastringue habituel, mais juste un gros
sac et une petite planche. Et on se demande un peu ce que l’on fait avec. Par
contre, il faut reconnaître que de ce côté-là ils ont tout compris. C’est le
jour et la nuit avec la planche où, quand tu te diriges vers la plage, tu
trimballes tant bien que mal ton bordel, à moitié en équilibre car il y a
toujours quelque chose, harnais, rallonge, mat… qui veut s’échapper de cet empilage
précaire. Tu as de grosses gouttes qui coulent du front car c’est super lourd,
et les muscles déjà en feu… La contrepartie, c’est qu’il faut beaucoup plus de
place qu’en planche sur la plage, comme sur l’eau. A San Juan, la plage est
grande mais il y a beaucoup de baigneurs et de bronzeurs, ce qui est, pour les
débutants que nous sommes, assez stressant. On passe l’après-midi plus dans
l’eau que sur l’eau, à dériver et à faire de bonnes catapultes. C’est le
début !
Samedi
19 avril : Bio bahia
Les choses se précisent. Jean devrait
arriver lundi à Tortola, dans les Iles Vierges, et nous récupérer mardi ou
mercredi à San Juan. Ces vacances étant plus courtes que prévu, il est d’accord
pour passer par les Turks et les Bahamas. Il faut donc que l’on commence à
préparer notre départ ce week end. Sauf que l’on repousse depuis le début du
séjour une excursion à la Bio Bay. Celle-ci se trouve à Fajardo, à l’autre extrémité
de l’île, soit à trois bonnes heures de voiture, aller bien sûr. Du côté météo,
le vent doit encore souffler aujourd’hui avant de s’absenter quelques jours. On
nous a parlé d’un spot sur la route, vers Luquillo, qui semble pas mal pour
kiter. L’eau y est peu profonde et la plage moins fréquentée qu’à San juan. On
va donc profiter d’aller kiter pour aller à la bio bay, ou alors d’aller à la
bio bay pour kiter… En bref, on mixe tout ça pour se faire une bonne journée.
Car c’est bien le terme approprié, « une bonne journée » ; 6
heures de route aller/retour, le kite, et un départ à la bahia prévu à 22 H… On
arrive au spot à 13 h 30. Après trois heures de route dans une circulation très
dense, on est déjà rincé quand on trouve le spot. Il est assez sécurisant avec
une baie qui se referme bien et pas grand monde sur la plage. On tire nos
premiers vrais bords à fond, c’est bon !
Seconde étape : la bio bay. Mais
alors qu’est-ce que c’est que cette bio bay, ou baie bioluminescente dont il
nous parle depuis toute à l’heure ? C’est une baie où l’on trouve des micros
organismes particuliers. Ces derniers se chargent avec le soleil et une fois la
nuit venue, et lorsqu’ils sont mis en mouvement, produisent de la lumière. Ces
micros organismes, très fragiles, ne peuvent vivre que dans un type très
particulier de mangrove. De fait, il n’existe que cinq bio bay au monde, dont
trois à Porto Rico ! Les deux autres se trouvant en Jamaïque et aux
Bahamas. L’accès à la baie ne peut se faire qu’en kayak, avec un guide, et bien
sûr de nuit pour profiter du spectacle.
Au point de rendez-vous, nous
patientons un long moment pendant que les autres touristes arrivent au
compte-goutte. Ils viennent pour la plupart de la capitale où ils sont ramassés
par les taxis des tours opérators. Une fois tout le monde à peu près réuni, les
organisateurs sont complètement désorganisés. Alors qu'ils sont censés faire ça
tous les jours, c’est le bazar. On finit tant bien que mal à monter dans un
kayak et le départ est donné une bonne heure plus tard… La procession chemine
dans un petit canal qui traverse la mangrove. Et là, malgré le côté
« usine » de l’affaire, on se prend au jeu. La nuit est sombre, il
n’y a pas de lune et on chemine sans visibilité entre les arbres, poussés par
nos pagaies. Il y a un côté magique et très prenant. On se dirige uniquement à
la lueur de petites baguettes fluos, style discothèque, accrochées aux kayaks
de devant. Le canal sinue et fait quelques belles chicanes, et la balade
s’agrémente de nombreuses sorties de piste. On profite de la débâcle de
certains pour donner un bon coup d’accélérateur et faire quelques intérieurs. Quelques
freinages de dernières minutes nous font jouer parfois aux « kayaks
tamponneurs », mais cette stratégie nous permet de nous retrouver un
moment à l’écart du peloton. On profite de cet instant et on chemine, sans
bruit, dans le néant.
Arrivés dans la lagune, on découvre
avec surprise que l’eau clignote, à la manière de lucioles. Quand on passe la
main ou la pagaie dans l’eau, on laisse de vives trainées de lumière. On
s’amuse à faire des dessins de toute sorte. L’effet est vraiment surprenant.
Malheureusement, le troupeau nous rejoint et l’accompagnateur nous regroupe
pour donner ses explications. A la fin de celles-ci, il nous dit « vous
pouvez toucher l’eau » et tous les américains touchent l’eau, « vous
pouvez remuer avec votre pagaie », et ils remuent tous leur pagaie. Puis
il donne le signal du départ, « mais on vient juste d’arriver ! ».
Il n’y a pourtant aucune protestation. Voilà, les bons touristes ont fait leur
petit tour et ça leur suffit ! Heureusement, on profite d’un flottement
dans l’organisation du retour pour nous éloigner un peu et nous amuser encore
avec ces drôles d’organismes. Comme pour nous remercier de notre entêtement,
plusieurs poissons filent à l’arrivée du canoë en laissant derrière eux de
longues traces lumineuses, un peu à la manière d’une photographie d’une route
de nuit, en pause longue, où les phares des voitures s’étirent à l’infini. Le
spectacle est incroyable et on a même droit à quelques sauts bio lumineux. On
retrouve la voiture à minuit passé. Le temps de rentrer et trois heures
sonnent. Une bonne journée, certainement la dernière sympa de Porto Rico…
Mardi
24 avril
Le lendemain, après la longue journée
de la veille, on émerge assez lentement. Jean nous confirme qu’il sera à Porto
Rico mardi dans la journée. Il faut donc boucler les sacs et régler quelques
petites choses avant notre départ. Comme nous sommes dimanche et que tout est
fermé, on commence pour l’instant à rassembler tranquillement nos affaires.
Mais suite au message de Jean, nous sommes un peu inquiets car celui-ci nous a
annoncé, en même temps que son arrivée, qu’il n’avait pas d’annexe. Sans annexe,
on ne peut pas aller à terre, donc, on ne peut pas faire faire pipi à Nouky. On
lui fait part de notre inquiétude et il nous promet de se débrouiller pour
trouver une solution.
Ce lundi, le programme de la journée
est chargé. On doit aller faire un certificat de bonne santé pour le chien pour
l’entrée aux Bahamas, une dernière lessive chez Leo’s laundry, nettoyer la
Nissan, aller voir les customs pour connaitre les démarches avant de quitter
l’île, boucler et nettoyer l’appart… On s’acquitte donc de ces besognes, et la
journée est déjà bien avancée quand Jean nous annonce qu’il sera à
San Juan le lendemain matin vers 10 h. On ne l’attendait pas si tôt…
D’autant qu’avant de le retrouver, il faut avoir déchargé le barda sur le quai,
aller rendre la voiture, et revenir de l’agence au port avec les moyens du bord.
Et nous sommes censés faire tout ça avant 10 heures, puisque l’idée est de
prendre la mer immédiatement. Cela nous met un coup de pression. Nous sommes à
deux heures et demie de San Juan, donc il va falloir partir très tôt. Cela veut
dire que nous devons faire aujourd’hui ce que nous pensions faire demain matin.
On enchaîne donc sur les courses pour la traversée, et demandons au proprio de
l’appart de faire l’état des lieux le soir même. On finit la journée bien tard,
mais on est prêts pour le départ.
Peu de temps après, le réveil sonne. Il est 5 h 30. Le dernier réveil de Porto Rico se fait sentir… On a une
heure pour tout charger et déguerpir si on ne veut pas se mettre trop à la
bourre. Entre le matos de wind, et maintenant aussi de kite, les sacs et les
courses, on ne sait même plus où mettre Nouky. On reçoit un texto de Jean qui
nous annonce qu’il a trouvé un kayak, super, on est rassuré, mais qu’il n’a pas
de rames et qu’il faudrait qu’on en trouve. Cool ! Il est 6H30 du
matin ! Ça devrait être facile à trouver… Heureusement, les américains ont
eu l’idée farfelue de créer une chaîne de grands supermarchés, les wallmart,
ouverts 24H sur 24. Jusque-là, on se demandait bien qui allait faire ses
courses au milieu de la nuit. Mais maintenant on comprend. Ces supermarchés
s’adressent aux gens qui manquent un peu d’organisation, comme notre futur
capitaine… En tout cas, à cette heure matinale, on remercie sincèrement les
américains et les wallmart, et on repart avec une paire de rames toutes neuves.
Par contre, ces courses de dernière minute nous ont mis à la bourre, et on
devrait arriver un peu plus tard que prévu pour rendre la voiture. Il faudra
donc pleurer un peu pour qu’ils ne nous comptent pas une journée de plus. On
prend la route de l’Est une dernière fois, sans nostalgie. Après un mois à
Porto Rico, on est finalement content de changer d’air. On dépasse les trois fromagers
majestueux qui bordent la route et devant lesquels on a circulé pendant un mois.
On dit adieu à ces arbres surprenants qui, grâce à leurs énormes racines en
forme de vagues qui leur servent de contreforts, résisteront encore à bien des
cyclones. Sur la route, on a un nouveau message de Jean qui nous annonce une
heure de retard. Ouf ! Ça nous
laisse un peu de temps.
Arrivés à San Juan, on passe d’abord
repérer où se trouve la marina. On prévient la capitainerie de l’arrivée du
bateau, et on envoie un message à Jean pour lui dire qu’on est sur le port. Tout
devrait bien aller. Il ne nous reste qu’à décharger et à aller rendre la voiture.
Et en plus, on est dans les temps ! Mais les minutes passent, et toujours
pas de bateau. A 11 heures, on reçoit enfin un message disant « Je suis à
la marina Puerto Chico, je ne trouve pas la San Juan Marina Bay ». Là
horreur, on se regarde, et on s’exclame à l’unisson : « Mais la
marina Puerto Chico est sur la côte Est, à côté de là où nous avait laissé
Shadococo ! ». On se débrouille pour trouver un wifi (merci Mac Do)
pour appeler Jean qui vérifie sa position sur son GPS « Ah oui, j’avais
rentré le cabo San Juan au lieu de San Juan… ». Forcément, il n’a pas pu
arriver au bon endroit… Du coup, il se retrouve à six bonnes heures de nav de
là où nous sommes. Nous avons alors devant nous trois possibilités, ou plutôt
trois manières différentes de galérer. Soit on descend à Fajardo avec la
voiture de loc pour décharger, on reloue une deuxième voiture pour remonter
rendre la première voiture et on redescend. En gros, ce qu’on a fait à
l’arrivée, mais en sens inverse. Soit, on descend à Fajardo, on décharge tout
sur le bateau et on remonte rendre la voiture à San Juan, puis on attend six
heures sur le quai que Jean vienne nous prendre. Soit, on attend le bateau sur
un quai pendant six heures. Le problème de cette dernière option est que la
marina sera fermée lorsque Jean arrivera en début de soirée, et qu’il faudrait
trouver un autre point de rendez-vous. La première solution est couteuse en
temps et en argent. La deuxième consiste à laisser tout ce qui constitue notre
vie pendant le trip à un inconnu qui pourrait choisir de s’échapper avec,
plutôt que de venir nous chercher. Nous optons pour la troisième. On se met
donc en quête d’un bout de ponton qui pourrait accueillir le bateau le temps
d’embarquer, mais on déchante rapidement lorsque l’on s’aperçoit qu’à part la
marina, il n’y a rien. Les seuls quais que nous trouvons sont ceux du port de
commerce ou des bateaux de croisière, et leur accès est barricadé. En dernier
recours, on va sonner à la porte du club nautique privé de pêche. Laeti part en
quête de responsables, pendant que je garde un œil sur la voiture. Elle revient
quelque temps après, suivie du capitaine du club. Ce dernier, qui a compris
dans quelle galère nous nous trouvons, accepte gentiment de nous aider. Le port
de pêche est petit, et pas adapté pour accueillir des bateaux de la taille du
catamaran, mais il nous dégote quand même un bout de ponton que nous pourrons
utiliser le temps d’embarquer. Il accepte que nous déchargions notre barda sur
le quai en attendant l’heure du rendez-vous, six heures plus tard… Super !
Une journée à squatter les quais du club. De toute façon, chargés comme on l’est,
il est impossible de partir faire du tourisme. Ce sera donc attente sous la chaleur
portoricaine. Les courses prennent un coup de chaud, comme Nouky et nous, et
tout le monde se dégrade à vue d’œil… Pour éviter tout nouveau faux plan, je
prends la précaution d’envoyer à notre futur capitaine les coordonnées GPS
précises du quai... Il devrait arriver à la tombée de la nuit, ce qui n’est pas
très opportun pour aborder une côte découpée comme celle de San Juan.
Heureusement, les employés du club
sont très sympas. Déjà, pour avoir accepté de nous aider, et ainsi de se faire
envahir tout l’après-midi, mais en plus, ils nous mettent à disposition une
voiture électrique, type voiture de golf, pour nous aider à tout trainer jusqu’au
quai. Enfin à 19 h, Vaiata, le 47 pieds qui doit nous amener en Floride, est en
vue du ponton. Pendant qu’on fait de grands signes à Jean, on éprouve un gros
soulagement. Vu comme ça partait depuis ce matin, on se disait qu’on avait
quand même une chance sur deux de passer la nuit sur le quai…
Le club nautique attend un autre
bateau à 19 h et a donc besoin de la place assez rapidement. Du coup, avec
l’aide des employés, tout est embarqué en moins de cinq minutes. Record
battu ! A peine le temps de dire un « Salut » au capitaine que nous
larguons les amarres pour de nouveaux horizons. « Hasta Luego, Porto
Rico ! ».
Et voilà que tout fini bien. Histoires de fou. Et on peut encore compter sur l'aide des gens quand même c'est so "nice". Un léger rappel....
RépondreSupprimerFinalement c'est le big départ, c'est toujours un plaisir de vous lire les amis.
GOOG LUKE FOR AMERICA Cissou.
ça Cruise Grave les Varois ;)))) BRAVO !!!!!!! Bises de Nous 4, Paloma,Léonie, Delphine & Florian (Nissa)
RépondreSupprimerBon, petit résumé: Porto-Rico, qui devait être une destination phare de votre mi-temps n'a pas répondu à vos attentes..; Du coup, logiquement, les USA ça devrait déchirer, non ? (histoire de rétablir l'équilibre...)
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